Henri Fantin-Latour "La liseuse"

Maurice BARRES

"Quoique jamais je n'aie servi la terre lorraine, j'entrevoie au fond de moi des traits singuliers qui me viennent des vieux laboureurs. Dans mon patrimoine de mélancolie, il reste quelque parcelle des inquiétude que mes ancêtres ont ressenties dans cet horizon. La campagne est plate, assez abondante, pas affinée, peut-être maussade, sans joie de vivre. Les physionomies n'ont pas de beauté, les petites-filles font voir une grimace vieillotte, malicieuse, sans malveillance ; en rien cette race, d'ailleurs de grande ressource et saine, n'a poussé au type."


François MAURIAC

"On atteint aisément une âme vivante à travers les crimes, les vices les plus tristes, mais la vulgarité est infranchissable "


Jean-Paul SARTRE

"Selon Lacan, le Moi est une construction imaginaire, une fiction à laquelle on s'identifie après coup : c'est ce qu'il appelle le stade du miroir, c'est-à-dire une identification au personnage constitué par une désignation sociale et familiale" Situations

"Le Moi : c'est un objet qui est devant nous. C'est à dire que le Moi apparaît à la réflexion quand elle unifie les consciences réfléchies : il y a alors un pôle de la réflexion que j'appelle le moi, le moi transcendant et qui est un quasi-objet".

"Mais les conversations qu'on peut avoir avec des gens comme ça, même quand elles sont un peu sincères, ont toujours quelque chose d'apprêté. On ne voit que ce qu'il a l'habitude de laisser filtrer, et le personnage est là en permanence. Ce n'est pas qu'il le joue : il est pris par lui".

"Les hommes font leur histoire eux-mêmes mais dans un milieu donné qui les conditionne. Je pense qu'on peut faire un effort pour se désaliéner de soi et aller vers l'objectivité et l'empathie, mais il y a des choses en nous que nous considérons comme "valables" et qui en réalité, vues d'un autre point de vue, peuvent être des tares, des défauts, des complaisances. Alors je ne pense pas qu'il soit donné de se comprendre soi-même par empathie"

"La lecture est création dirigée"


Milan KUNDERA

"L'Insoutenable légèreté de l'être"

"Le sens de ses toiles : devant c'est le mensonge intelligible et derrière l'incompréhensible vérité"

"Une fois ne compte pas, une fois c'est jamais. L'histoire de la Bohème et l'histoire de l'Europe sont deux esquisses qu'a tracé l'inexpérience de l'humanité. L'histoire est tout aussi légère que la vie de l'individu, insupportablement légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain"

"Il agissait comme si l'histoire n'était pas une esquisse, mais un tableau achevé. Cet homme la vivait dans une autre histoire que Thomas : dans une histoire qui n'était pas (ou n'avait pas conscience d'être) une esquisse"

"Le besoin du Kitsch : est le besoin de se regarder dans le miroir du mensonge embellissant et de s'y reconnaître avec une satisfaction émue" Milan Kundera


Hector BIANCIOTTI

"Sans la miséricorde du Christ"

"On hypothèque la douleur, on essaie de ne pas être celui que l'on est, en l'honneur de la divinité qui nous a crées tels que nous sommes ; ardents et incertains, nous avançons dans les ténèbres, nous élevons des architectures de pierres, de sons, de mots, nous produisons la vie qui nous échappe, nous créons dans la mesure même où la foi fait défaut, et c'est construire l'hinabitable demeure du présent "

" Le bonheur guette, il nous tombe dessus comme le voleur au milieu de la nuit, au détour d'une rue, au milieu d'un songe, parce que une lumière, une musique, un visage, un geste quelconque ont eu raison du désespoir de vivre. Il n'existe pas d'homme qui ne coure le risque d'en être frappé, personne n'est à l'abri de ses ravages. Le bonheur n'est pas de ce monde qu'il traverse en éclair : le temps que nous saisissions le délice qu'il procure et c'est déjà le passé. Un monstre venu d'ailleurs nous a investis, ne laissant derrière lui qu'une terre désertée."

"Oui, au fond, le temps change toute chose en nous, sauf une....cet être de fiction, cette image de nous même que nous portons en nous, sur laquelle le temps qui ronge, corrode, rapetisse, diminue, défait, effiloche jusqu'à la trame des songes, n'a pas de prise. Il arrive que nous nous comportions en accord avec cette image qui ne change pas, nous qui, au cours de la vie, n'avons pas cessé de changer. Il se produit alors un déséquilibre, nous oublions les miroirs et que le temps se faufile partout. Nous devenons ridicules aux yeux du monde ; mais nous avons notre richesse, ce trésor, ce peu d'or qui tient cent fois dans le creux de la main, si chaud cependant quand tout devient froid et aveugle ; l'être virtuel, celui qui d'habitude reste enfoui, l'être éveillé à qui on a imposé le cauchemar de ce monde. Et il passe dans la voix, il y vit, il y persiste ; quelqu'un parfois l'entend".

"Ainsi l'amour secoue la vie, il la bouleverse, la désagrège, pour le besoin du jeu, et nous nous y prêtons, innocents, transfigurés, pitoyables. Je vis qu'aucune vie n'était ni un triomphe, ni un ratage ; que l'on vieillit comme un cristal se forme..."

"Il aura fallu l'ambition, la douleur, l'orgueil, les agonies toujours recommencées - et de surcroît il aura fallu ne pas réussir ce que l'on rêvait de faire - pour aboutir à nous mêmes.


Gustave FLAUBERT

"Madame Bovary"

"Vous est-il arrivé parfois - reprit Léon - de rencontrer dans un livre une idée vague que l'on a eue, quelque image obscurcie qui revient de loin, et comme l'expostition intière de votre sentiment le plus délié ? "

"Sa volonté, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite à tous les vents ; il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient"


CIORAN

"Tes heures, où se sont-elles écoulées ? Le souvenir d'un geste, la marque d'une passion, l'éclat d'une aventure, une belle et fugitive démence - rien de tout cela dans ton passé, aucun délire ne porte ton nom, aucun vice ne t'honore. Tu as glissé sans trace ; mais quel fut donc don rêve ?"
-"J'aurai voulu semer le doute jusqu'aux entrailles du globe, en imbiber la matière, le faire régner, là où l'esprit ne pénétra jamais et, avant d'atteindre la moëlle des êtres, secouer la quiétude des pierres, y introduire l'insecurité, et les défauts du coeur. Architecte j'eusse construit un temple à la Ruine,; prédicateur, révélé la farce de la prière ; roi arboré l'emblème de la rébellion; Comme les hommes couvent une envie secrète de se répudier, j'eusse excité partout l'infidélité à soi, plongé l'innocence dans la stupeur, multiplié les traîtres à eux-mêmes, empêché la multitude de croupir dans le pourissoir des certitudes"
Cioran, Précis de décomposition


 

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