Accompagné
d'une délégation d'hommes de sa tribu, le " chef et grand homme-médecine
" cheyenne Little Wolf entreprit au mois de septembre de l'année
1874 de traverser les terres américaines jusqu'à Washington dans
l'intention expresse de négocier une paix durable avec les Blancs.
Le chef indien fut reçu avec la pompe normalement déployée pour
un chef d'Etat étranger.
Le Chef alla droit à l'essentiel : " A cause du mal que vous avez
apporté avec vous nous sommes maintenant peu nombreux. Le peuple
disparaîtra bientôt comme les bisons de notre pays. C'est pourquoi
nous avons l'honneur de demander le présent de mille femmes blanches.
Nous les épouserons afin d'apprendre, à nous et à nos descendants,
la vie nouvelle qu'il nous faudra mener quand le bison aura disparu.
En échange des mille femmes blanches que vous nous confierez nous
vous donnerons mille chevaux ".
Après
la tempête que cette proposition avait soulevée, le président
et ses conseillers reconnurent en privé que le projet d'intégration
prôné par Little Wolf n'était pas dénué d'un certain sens pratique.
Ainsi naquit le programme secret " Femmes Blanches pour les Indiens
" ou FBI comme on l'appela dans le cercle présidentiel.
Les
hommes du président apaisèrent leur mauvaise conscience en stipulant
que les femmes associées à l'audacieux projet seraient toutes
volontaires et qu'elles bénéficieraient de la tutelle de l'Eglise.
On
alla donc recruter des femmes dans les prisons et les pénitenciers,
auprès des insolvables et dans les asiles de fous. On leur offrit
l'absolution ou la liberté sans condition, sous réserve, biens
sûr, de s'enrôler. Au début de mars 1875 des convois semblables
quittèrent les gares de New York, Boston, Philadelphie et Chicago.
Le
23 mars 1875, une jeune femme répondant au nom de May Dodd fêtait
son vingt-cinquième anniversaire. Ancienne patiente de l'asile
d'aliénés privé de Lake Forest, elle prit place avec 47 autres
volontaires dans un train à destination de Camp Robinson dans
le territoire du Nebraska.
Les
journaux intimes de May Dodd, retrouvés à la réserve indienne
de Tongue River, au sud-est du Montana, témoignent de son aventure
parmi les Cheyennes.
"
Aujourd'hui je m'apprête à tourner le dos à un passé sombre et
agité, pour faire place à un avenir terrifiant, incertain.
Ma
famille m'a placée dans un asile d'aliénés parce que je l'ai quittée
pour vivre hors des liens du mariage avec un homme qu'elle considérait
d'un rang inférieur au mien. Ils m'ont arrachée à lui et à mes
deux enfants.
Aujourd'hui
le prix à payer pour échapper à l'enfer quotidien de l'hôpital
me semble relativement modeste. C'est ainsi que nous avons entrepris
ce long voyage. Ce pays extraordinaire qui défile sous mes yeux
j'en subis la fascination, la solitude, la désolation. Après le
long confinement que j'ai enduré, le spectacle d'une telle liberté
me paraît plus merveilleux encore.
Nous
voilà enfin à Fort Laramie, l'endroit le plus sale, le plus misérable,
le plus perdu que Dieu ait bien voulu nous donner !
Aujourd'hui
j'ai pu m'asseoir à la table du capitaine John G. Bourke, à qui
la responsabilité de notre groupe a été confiée jusqu'au terme
de ce voyage. Le capitaine n'ignore rien de la vraie nature de
notre mission - ce qui n'implique pas pour autant qu'il approuve.
S'il n'est âgé que de vingt-sept ans, le capitaine Bourke est
déjà un officier de haut rang, héros de guerre, décoré de la Médaille
d'Honneur. Issu d'une bonne famille bourgeoise de Philadelphie,
c'est un gentleman accompli et fort cultivé. Il respire l'intelligence
et la sensibilité. Voilà que promise à un homme que je ne connais
pas encore, je m'éprends d'un autre que je ne peux avoir.
Nous
reprenons enfin la route, dans des chariots à mules, escortées
par l'énergique compagnie que dirige le capitaine Bourke. Le printemps
resplendissant offre aujourd'hui une touche réjouissante à notre
difficile traversée. Ce soir au dîner, dans la tente du " mess
", la conversation a tourné une fois de plus autour des Cheyennes.
Le capitaine admet, quoique avec mauvaise grâce, que leur tribu
fait montre d'une certaine supériorité sur les autres races d'Indiens
d'Amérique. C'est un peuple élégant, fier et indépendant qui est
resté fidèle à lui-même autant qu'il a pu malgré les vicissitudes
du temps. Bien plus que les autres tribus, quelles qu'elles soient,
les Cheyennes ont évité les missionnaires, les agences indiennes
de l'état et, de façon générale, tout contact avec les Blancs.
Ce qui leur a permis de moins se " dégrader " que les autres.
Ce
soir là je fus invitée dans la tente du capitaine et la chose
prit quelque allure de scandale dans notre petite communauté,
bien que la soirée se poursuivit en toute innocence… ou quasiment…car
nous sommes l'un et l'autre bien conscients de la nature de nos
sentiments. Passer du temps ensemble équivaut à souffler sur les
braises de ce qui ne doit pas être. Nous nous sommes toutefois
contentés de la lecture de Shakespeare.
Seigneur
Dieu, nous les avons vus aujourd'hui ! Notre peuple adoptif. Une
escouade est venue nous examiner comme on le ferait d'un lot de
marchandise, ce que de fait, nous sommes précisément. J'ai réussi
à distinguer 53 individus, tous des hommes, chevauchant des montures
dont ils semblaient le prolongement naturel. Ils ont fait irruption
comme les membres d'un seul corps, un diable de poussière galopant
et tourbillonnant. Les Indiens étaient seulement venus inspecter
notre contingent, juste avant notre " transfert ". Un terme bien
peu romantique, s'il en est ! Les Cheyennes viendront nous chercher
demain peu après le lever du soleil.
Le capitaine Bourke m'a fait chercher et a essayé de me faire
renoncer à cette folie. Son désarroi semblait si sincère. Ce soir
là le capitaine et moi nous nous somme laissé emporter par la
force de nos sentiments….Quelle étrange propension est donc la
mienne, de m'attacher aux hommes pour lesquels je ne suis pas
faite : un contremaître d'usine, un capitaine d'armée, catholique
et fiancé, et demain un chef indien. Bon Dieu, je suis peut-être
folle après tout…
Je
vais être l'épouse du chef, car le premier homme de la tribu m'a
choisie pour femme. Il s'appelle Little Wolf, le même qui a été
reçu par le président Grant. Je dois dire que, au regard des autres
sauvages, il n'est pas vraiment désagréable à regarder. Ce n'est
plus un jeune homme et il doit avoir quelques années de plus que
moi…., disons la quarantaine. Mais en parfaite santé, physiquement
superbe, avec des yeux très sombres, presque noirs, des traits
puissants et l'allure farouche d'un loup. Il me paraît cependant
être un homme bon, dont le parler élégant et doux me ferait presque
oublier la laideur de la langue indienne.
Je
crains que le capitaine n'ait eu raison, toute cette affaire n'est
que folie. Une grave erreur. C'est exactement comme si je m'étais
installée dans une tanière avec une bande de loups. Je trouve
au-delà de toute perversité de devoir partager une tante avec
en sus de mon futur mari, ses deux autres épouses, une vieille
bique et une jeune femme, un garçonnet et un bébé. Je saurais
difficilement décrire l'odeur de tous ces corps si proches les
uns des autres. Le sentiment que j'éprouve est d'avoir mis les
pieds dans une autre forme d'asile, celui-ci étant le saint des
saints de la folie.
Je
me réveille seulement de cette expérience. Je ne me retrouve pas,
j'ai peur de ne plus jamais être le même. La nuit de mon mariage
j'ai été droguée, tous mes sens assaillis, et moi-même dénudée
jusqu'à l'essence de mon être, jusqu'à mon cœur sauvage et animal.
Mes
coépouses avaient confectionné à mon intention la plus belle robe
de mariée qu'il m'ait été donné de contempler - cousue de fil
de tendon, délicatement brodée, parée de perles, de piquants de
porc-épic, et teinte de fort jolis motifs de différentes couleurs
extraites de racines. Si nous avons cru être parées des plus beaux
costumes et de plus belles peintures, nos hommes étaient habillés
et grimés de manière plus fantastique encore. Mes amies et moi
restions ensemble, par petits groupes, collées les unes aux autres
comme des poussins effrayés. Voilà bien à quoi nous ressemblions
avec nos visages peints et nos robes de toutes les couleurs.
La
musique… son rythme bat encore dans ma tête, pulse le long de
mes membres, les danseurs tourbillonnent à la lumière des feux,
sur les crêtes et les collines, les coyotes reprennent et anticipent
la même scansion du clair de lune. Même notre asile d'aliénés,
un jour de déchaînement n'aurait jamais suffi à nous préparer
un tel spectacle.
Un enfant grandit dans mon corps. Est-ce possible
? Ou n'est-ce également un rêve ?
Le
lendemain de nos épousailles, mon époux et moi, nous partîmes
au loin. Je n'avais aucune appréhension à quitter le village.
Je me sentais parfaitement protégée, à l'abri du danger en compagnie
de mon mari. Notre nouveau monde me semblait ce matin-là d'une
douceur indicible. Nous sommes restés près du feu la moitié de
la nuit à converser, moi en anglais, lui dans son algonquin natal.
Et c'est sans doute nos cœurs, à défaut de nos esprits, qui se
sont entendus.
Si
Harry a été l'étincelle, vive mais capricieuse, qui révéla ma
féminité, John Bourke fut l'étoile de mes vœux, intense et éclatante.
Maintenant voici Little Wolf, le feu de mon foyer, qui m'offre
sa chaleur et sa sécurité… cet homme est mon mari et je serai
pour lui une épouse fidèle et bonne. Je donnerai le jour à ses
enfants.
Après
notre retour au camp, des visiteurs du Sud, des " parents " cheyennes
sont arrivés et le village est en pleine effervescence. Les festivités
marquent le début de la saison de la chasse. Les sauvages aiment
organiser des fêtes au moindre prétexte. Seminole, un sang mêlé
qui me reluquait avec une expression écœurante d'équivoque familiarité,
leur offrit du whiskey. Jamais je n'ai vu des hommes passer aussi
rapidement d'un état à un autre. J'appris cette nuit-là que non
seulement les sauvages sont esclaves du whiskey, mais en plus
ils le supportent terriblement mal. Des feux de joie essaimaient
partout, des bagarres éclataient, les danses prenaient une allure
dépravée sur une musique hystérique qu'on aurait cru sortie des
entrailles de l'enfer.
Le
révérend chez qui nous nous étions réfugiées nous dit " Le whiskey
est l'arme avec laquelle Satan s'empare de leur âme. Ca les rend
fous. Vous n'imaginez pas les atrocités dont ils sont capables
dans cet état. Ils n'ont plus de limites. Le seul espoir, la seule
défense possible, consiste à se faire totalement invisible à leurs
yeux. "
Si
l'enfer est sur terre, j'ai bien cru cette nuit parcourir ses
labyrinthes en m'enfonçant une nouvelle fois dans le camp. Comme
si le monde entier venait, au sens religieux du terme, de perdre
la grâce, comme si l'on nous avait abandonnées ici pour assister
à son avilissement final. Jamais encore je n'avais ressenti aussi
âprement la précarité de notre situation. Des viols furent perpétrés
cette nuit là et sans l'intervention de mon amie Gertie, j'aurais
moi-même subi le même sort.
A l'aube un étrange silence avait recouvert le camp. Tout semblait
à nouveau calme, paisible, comme si la terre ne devait être qu'un
vaisseau sur l'eau, parvenant à retrouver son équilibre après
une nuit de tempête.
Cela
fait maintenant plusieurs semaines que nous voyageons. Nos déambulations
peuvent paraître erratiques, mais elles suivent une logique bien
établie. Les camps s'organisent et se déplacent avec une efficacité
qui me rappelle les histoires que ma Mère me racontait à propos
de bohémiens d'Europe. Nous sommes presque devenues des vraies
indigènes, on a peine à nous distinguer de nos sœurs cheyennes
et nous aurons bientôt la même couleur de peau.
La
chasse s'est révélée fructueuse et notre " garde-manger " est
plein, non seulement de viande de bison, mais aussi de wapiti,
de daim, d'antilope, de différents petits gibiers, et de truites
! Nous disposons déjà d'une vaste quantité de peux, qui assureront
le confort de la tribu ou serviront plus tard de monnaie d'échange
dans les comptoirs où nous nous approvisionnerons en café, sucre,
tabac, tissus, poudre à canon, bijoux, ustensiles de cuisine et
autres produits de notre culture qui ont la faveur des Indiens.
Sur
les rives du fleuve Tongue des guerriers Crows, les ennemis ancestraux
des Cheyennes, nous sont tombés dessus alors que nous trouvions
seules au bord de l'eau. Ils nous ont enlevées, battues, violées.
Je ne sais d'où, à un moment donné le couteau est sorti. Je vis
seulement la lame briller dans la main de la petite Sara, puis
s'enfoncer dans la gorge de l'homme qui se couchait sur elle.
Il émit un gargouillis de stupeur, se débattit pour saisir la
poignée de l'arme et parvint finalement à la déloger de son cou
d'où le sang coulait en cascade. Mais avant de retomber mort sur
la jeune femme, il réussit dans un dernier souffle à l'égorger
à son tour et toute vie s'évanouit de Sara. Terrible instant.
Les
Cheyennes ont attaqué à l'aube après ce qui fut le plus terrible
vingt-quatre heures de nos vies. Les Crows avaient à peine quitté
leurs abris qu'ils étaient déjà abattus, massacrés dans le tumulte
de leurs cris de surprise et les hurlements meurtriers des nôtres.
Menant lui-même la charge, mon mari Little Wolf n'avait plus rien
d'un homme : incarnation du dieu de la vengeance, c'était un animal,
un ours sans peur et sans pitié. Mû par une fureur divine, armé
d'un bouclier et d'une lance, il fondit à cheval sur l'ennemi.
Nous voilà repartis. Nous avons fait une halte à Fort Laramie
où notre convoi s'est arrêté pour faire un troc au fort.
J'ai
revu le capitaine John Bourke qui m'a chargée de convaincre mon
mari de livrer son peuple à l'Agence indienne avant l'hiver. "
Maintenant on dit qu'il y a de l'or dans les Black Hills. Ca va
être la ruée, dit-il. Tous les prospecteurs, les colons, les boutiquiers,
les filles de joie, vont demander à l'armée de les protéger des
Indiens. Ces terres appartiennent aux Sioux et aux Cheyennes.
Ils peuvent s'y déplacer et chasser tant qu'ils veulent. Les Indiens
ne vont pas apprécier de voir des Blancs se mettre à courir dans
tous les sens, tirer des coups de feu partout et effrayer les
bisons et le gibier. Ca va être la guerre. Je ne veux pas que
vous restiez au milieu de tout cela ". Le capitaine paraissait
préoccupé.
"
Je ne veux pas quitter mes amies ". Lui ai-je répondu. Nous partons
ce matin. Je suis une squaw. Plus nettement que jamais, j'ai pris
conscience ce matin dans le vent persistant que mon engagement
personnel était pour toujours scellé par le petit cœur qui battait
maintenant dans mon ventre ; qu'il m'aurait été inconcevable de
rester au fort, quand bien même j'en aurais eu envie. Et cependant
je me fais l'avocate d'une soumission paisible, dans l'intérêt
d'un avenir harmonieux - et c'est sans doute une vision idéaliste
que j'entretiens car elle est, il est vrai, sans précédent dans
l'histoire de l'humanité. Mon amie Phemie, de son côté, prend
parti pour la résistance, l'intransigeance - elle milite auprès
de son mari et de sa société guerrière contre le principe de la
réserve, contre l'invasion de l'homme blanc, contre l'armée américaine.
Je
n'ai jamais rien vu de plus beau que ces Black Hills. Couvertes
de pin, de sapin, de genévriers, elles foisonnent de toute sorte
de gibier. Nous campons depuis plusieurs jours à proximité de
la montagne appelée Novanose. Les sauvages s'adonnent ici à de
nombreux rites religieux - fêtes, danses, transes, recherche de
visions et hallucinations. Les tambours résonnent quasiment sans
cesse. Un grand nombre de ces cérémonies sont trop élaborées,
trop complexes pour être comprise par le néophyte. Les jeune procèdent
à différentes mutilations de leur corps, aussi révoltantes les
une que les autres. Nous avons fourni des efforts considérables
pour nous adapter à cette nouvelle vie, nous accommoder d'une
autre religion, mais ces pratiques primitives ne peuvent qu'inspirer
de dégoût et la répulsion à un être civilisé.
Enfin
ce fut un vrai retour au pays que de retrouver le campement d'hiver.
Notre campement d'hiver est situé dans une ravissante vallée herbeuse
au confluent de Willow Creek et de la partie supérieure de la
Powder River. La vallée semble offrir tout ce dont nous pouvons
avoir besoin - assez d'herbe pour les chevaux, de l'eau vive et
une ample réserve de bois et de peuplier pour le feu. Plusieurs
importants troupeaux de bisons, ayant eux aussi domicilié leurs
quartiers d'hiver dans le voisinage, paissent avec la placidité
des vaches domestiques dans les riches pâture automnales.
Ma fille est née et ce n'est pas une Indienne. C'est un petit
bébé blanc, elle a la peau claire et les joues roses des Irlandaises.
Dieu du ciel, c'est l'enfant de John Bourke ! Little Wolf accepte
naïvement que l'enfant soit le sien. " Maheo, dit-il, nous a envoyé
un petit bébé Jésus Blanc pour guider notre peuple vers la terre
promise ". Le peuple a fini par composer une religion hybride
qui emprunte à la fois à leurs croyances et au christianisme et
ce n'est pas plus absurde qu'autre chose.
Voici
donc que mon bébé que j'ai appelé Wren, la propre fille de John
Bourke, est considéré comme un enfant sacré. On l'a nommée " Celle
Qui Vient Nous Sauver ". Maheo, Dieu lui-même, a voulu offrir
au Peuple cheyenne une petite Blanche qui ouvrira les portes d'un
nouveau monde à la prochaine génération.
Ce
matin Gertie est venue nous informer que les troupes de Crook
avec 350 éclaireurs indiens avec eux, des Indiens que l'on nomme
" les loups " parce qu'ils sont passé de l'autre côté, se dirigent
vers notre campement. Ils sont chargés d'éliminer tous les Indiens
hostiles de la région. Tous ceux qui ne se sont pas rendus à l'Agence
au premier février sont par définition considérés comme hostiles.
Dans une lettre que le capitaine m'a fait remettre par Gertie
il nous somme de quitter le campement aussi vite que possible
et de nous diriger vers le Fort Fetterman. Si nous restons l'armée
ne fera pas de quartier.
Little Wolf a tenu conseil. Nous partirons vers le Fort dès que
le temps le permettra. Pour l'instant nous avons déployé un drapeau
blanc en haut d'une loge au milieu du camp.
Cette
fois, tout est vraiment fini. Dès les premières lueurs du jour,
telle la main vengeresse du Tout-puissant, les soldats ont fondu
sur nous. J'ai reçu un coup de feu, j'ai peur de mourir vite,
le village est détruit, incendié, le Peuple nu est parti se réfugier
en courant dans les collines et se tapir dans les rochers comme
des animaux. J'ai assez écrit et j'ai besoin de fermer les yeux
un instant…Je suis tellement fatiguée…J'ai confié mon enfant à
Marthe afin qu'elle le sauve, moi je ne puis plus me déplacer.
J'attendrai ici qu'elle revienne avec le capitaine. Je lui ai
également demandé de dire au capitaine " Bien avisé le père qui
reconnaît son enfant… ". Je suis sûre qu'il comprendra.
Ainsi
se terminent les carnets de May Dodd. Bien des années plus tard,
après un demi siècle, un jeune homme cheyenne du nom de Harold
Wild Plums qui vit dans la proche réserve indienne de la Tongue
River, les a un jour apportés à l'Abbé Antony de la Prairie qui
était le père spirituel des femmes blanches à l'époque où le massacre
s'est produit.
Le jeune homme n'était autre que le petit-fils de May, le fils
de Wren, il venait demander au moine d'écrire la fin de l'histoire
sur les pages restées vierges du dernier carnet.
L'abbé
raconta comment, au matin de l'assaut, voyant son habit de moine,
les soldats l'avaient épargné. Et c'est ainsi qu'il avait marché
dans ce théâtre de mort et de destruction, cet enfer déchaîné
sur terre. Il avait découvert May, morte adossée à la paroi rocheuse
d'une grotte où elle s'était réfugiée. Tous les enfants nés des
femmes blanches avaient péri à l'exception de deux : Wren, la
fille de May et le fils de Marthe.
Little
Wolf fut blessé sept fois au matin de l'attaque, mais il survécut.
Avec ses deux épouses qui avaient emmené Wren il conduisit sa
bande de réfugiés de l'autre côté de la montagne. Les Cheyennes
n'avaient plus rien. Leur esprit était brisé. Moins d'un mois
plus tard, un grand nombre d'entre eux partit en désordre se rendre
au Camp Robinson.
Ses
descendants vivent désormais dans une des HLM de béton du Ministère
de l'Urbanisme dans la ville de Lame, au Montana située dans la
réserve de Tongue River. Cela ressemble à un ghetto.
Commentaires
Né
en 1950 d'une mère française et d'un père américain, Jim Fergus,
chasseur, pêcheur et cuisinier hors pair, est chroniqueur dans
de nombreux journaux américains. Il a sillonné seul avec ses chiens
le Middle West pendant plusieurs mois, sur les pistes des Cheyennes
afin d'écrire ce livre. Mille femmes blanches est son premier
roman est a obtenu le prix Femina du premier roman étranger.
Cette
épopée fabuleusement romanesque, qui s'inscrit dans la grande
saga de l'Ouest américain, a été un événement lors de sa publication
aux Etats-Unis. Elle a été encensée par les plus grand écrivains
américains, dont Jim Harrison qui a salué " ce roman splendide,
puissant et exaltant ". Les droits de ce livre ont été achetés
par Hollywood.
En
1875, un chef cheyenne demanda au président Grant de lui faire
présent de mille femmes blanches à marier à mille de ses guerriers
afin de favoriser l'insertion et de parvenir à une réduction des
belligérances. Prenant pour point de départ ce fait historique,
Jim Fergus retrace à travers les carnets intimes d'une de ces
femmes blanches, les aventures dans les terres sauvages de l'Ouest
de ces femmes recrutées pour la plupart dans les prisons ou les
asiles psychiatriques. C'est à la fois un magnifique portrait
de femme qu'il nous offre ainsi, un chant d'amour pour le peuple
indien, et une condamnation sans appel de la politique indienne
du gouvernement d'alors.
Au
début du livre le petit-fils de May raconte que personne dans
sa famille ne lui avait jamais parlé de son arrière grand-mère
May.
Elevé
dans les clubs de la haute bourgeoisie et dans les plus prestigieuses
écoles, Will Dodd est devenu journaliste et rédacteur en chef
du magazine local. En faisant des recherches pour un article sur
les vieilles familles de Chicago, il a eu vent de la rumeur selon
laquelle sa grand-mère May serait partie vivre avec les Indiens.
Il faut dire qu'à la formule à la maison était devenue un euphémisme
d'insanité. C'est à cette époque que Will avait décidé de retracer
l'itinéraire complexe de son aïeule May. Ses recherches finirent
par l'amener à la réserve indienne de Tongue River, au sud est
du Montana. Ici il retrouva le petit-fils de May et de Little
Wolf qui lui remit les carnets de sa grand-mère.
Les
carnets racontent d'abord la vie de May à l'asile d'aliénés où
elle a été enfermée par sa propre famille, furieuse de l'avoir
vue se lier avec un homme sans rang. A propos de sa vie à l'hôpital
Maiy Dodd raconte " Vous me dites que je n'ai pas idée de la vie
qui m'attend chez les sauvages, mais vous n'imaginez pas non plus
celle que j'ai du subir. Quand chaque jour est la réplique exacte
du précédent, qu'ils forment une chaîne sans fin de semaines sans
soleil, sans espoir. Quoique que je trouve dans ce monde nouveau
et étranger, ça ne peut pas être pire que l'ennui et la mélancolie
de l'asile. Je n'y retournerai jamais. Je mourrai plutôt. "
May
est une jeune femme qui a l'habitude de suivre des voies peu conformistes,
voire décriées, elle s'en fait même un plaisir et vu comme elle
a été traitée par les gens soi-disant civilisés elle n'a pas tellement
peur d'aller vivre chez les sauvages.
A
partir de ce moment-là elle décide de vivre chaque journée comme
elle vient, et refuser tant les regrets que les inquiétudes pour
l'avenir. Elle pense que de toute façon elle n'a aucun pouvoir
sur hier ni sur demain et elle croit que pour rester saine d'esprit
elle ne doit surtout pas chercher refuge dans le passé…cela reviendrait
autrement à sombrer dans la folie.
Chez
les sauvages elle s'aperçoit qu'ils sont eux aussi rigoureusement
à cheval sur le protocole. Et elle se rend compte qu'il se passe
rarement de journées sans qu'elle viole quelque tabou bizarre,
culturel ou autre. Comme de par le passé, prête à faire toute
sorte de vagues sur le terrain des conventions, elle devient le
cheveu sur la soupe de la bonne société sauvage. Et elle finit
par être considérée comme celle par qui le scandale arrive.
L'exemple
de son père - aîné de l'Eglise presbytérienne, mais l'homme le
moins chrétien qu'elle ait connu - lui a valu une forme de causticité
à l'égard de toutes les religions organisées. Intrépide, téméraire,
en toute occasion elle fait preuve de courage.
Lorsqu'elle rencontre le capitaine Bourke et qu'elle s'éprend
de lui elle ne culpabilise pas et suit l'appel de ses sens.
Dans
ses carnets elle nous parle beaucoup des Cheyennes évidemment.
Les Cheyennes ont la réputation chez les autres tribus de compter
parmi eux les plus beaux hommes des plaines, et les femmes les
plus vertueuses. Les Cheyennes vivent en communautés restreintes
qui se rassemblent à différents moments de l'année, d'une façon
similaire aux grands vols d'oies migratrices. Dès le début elle
comprend que ce sont des gens d'une terre différente et plus ancienne.
Les
Indiens sont un peuple démocratique et un peuple formidablement
tolérant. May raconte " Si certaines de nos manières ou de nos
coutumes semblent perpétuellement les amuser, ils n'ont encore
jamais fait mine de les condamner ou de nous censurer. Ils se
sont jusqu'ici montrés simplement curieux, mais toujours respectueux
".
Contrairement
au nôtres, les bébés indiens ne pleurent pas ; on dirait de petits
paons décidés à ne faire aucun bruit pour ne pas trahir leur présence.
Certains
Cheyennes ont une connaissance limitée de la langue anglaise.
Plus nombreux sont ceux qui parlent assez couramment un genre
de français abâtardi, appris autrefois au contact de trappeurs
et de marchands français, et qui, au fil des générations, a pris
la forme d'un curieux patois, difficilement compréhensible pour
nous.
Les
Cheyennes sont un peuple de chasseurs et de marchands, c'est pourquoi
leurs trousseaux ne sont pas si différents des nôtres. On trouve
chez eux, par exemple, des tissus, des couvertures, des boutons,
ainsi que d'autres articles "" importés ". Au point que certains
hommes se parent, assez ridiculement d'ailleurs, de tout un bric-à-brac
mal assorti, récupéré chez les Blancs : vieux uniformes de l'armée
et différents chapeaux, difformes et découpés. Les plumes d'aigle
jaillissent du fond troué ! Les Indiens ainsi accoutrés ont tout
l'air de petits enfants déguisés ; ils ressemblent plus aux clowns
d'un carnaval qu'à des guerriers, leurs costumes hybrides empruntant
différemment aux deux cultures.
Lors de la cérémonie de mariage le Chef Little Wolf était splendide.
Coiffé de cornes de bison, de plumes noires de corbeau tout autour
de sa tête, elles-mêmes cernées d'une rangée de plumes d'aigles
qui couraient le long de son dos comme deux grandes ailes. Il
avait revêtu d'impeccables mocassins neufs, une fine tunique de
peau de biche artistiquement décorée avec des cheveux humains.
Il portait sur les épaules une cape de bison, teinte en rouge,
sur laquelle étaient imprimés toutes sortes de motifs complexes.
C'était l'image de l'Indien dans toute sa splendeur.
Afin
de se protéger du soleil brûlant de la prairie ils s'enduisent
d'une concoction à base d'argile rouge sombre et de graisse ou
de suif. L'origine du mot Peau-Rouge viendrait de cette coutume.
Mais ils utilisent aussi une argile blanche et ceux qui la revêtent
prennent alors une allure fantomatique.
Un Cheyenne n'a pas le droit de tuer un membre de sa tribu. C'est
ici le plus grand péché que puisse commettre un homme. A la fin
du roman Little Wolf, pris de boisson, tua Jules Séminole (le
sang mêlé qui avait à plusieurs reprises tenté de violer May).
En punition de son crime il fut destitué de son statut de Chef
de la Douce Médecine et il fut banni de son peuple.
Les
Cheyennes étaient un peuple riche. Ils possédaient beaucoup de
chevaux, qu'ils allaient parfois voler chez leurs ennemis les
Indiens Crows.
May
dit que si les Indiens ont peu contribué à la littérature et aux
arts de ce monde, c'est sans doute qu'ils sont trop occupés à
vivre - à voyager, chasser, travailler - pour trouver le temps
nécessaire à en faire le récit ou à méditer sur eux-mêmes.
Les
sauvages ont un sens du spectacle peu ordinaire. Ils consacrent
beaucoup de temps à leurs toilettes et à leur apparence, plus
encore s'ils se préparent pour la guerre. Un guerrier doit s'efforcer
d'avoir la meilleure allure possible lorsqu'il part au combat.
Car, dans l'éventualité où il périrait il serait terriblement
gêné de se présenter à son créateur, la Grande Médecine, en tenue
négligée.
May
raconte que les Indiens qui se sont mêlés aux Blancs et vivent
autours des forts ce ne sont plus que des épaves navrantes et
disgracieuses. Ce sont pour l'essentiel des Sioux, des Arapahos
et de Crows. Les hommes ne font rien d'autre que boire, jouer,
mendier quand ils n'offrent pas les services de leurs pauvres
femmes et filles en haillon, aux soldats, aux sang-mêlés contre
une rasade de whiskey. Le contact de la civilisation blanche n'a
réellement apporté à ces pauvres âmes que la ruine et le désespoir.
Au contact de notre civilisation, dit a un moment donné le capitaine
Bourke, l'Indien d'Amérique n'a imité que nos vices.
Ce
que nous risquons de créer en brouillant les frontières raciales,
divines et naturelles, est un peuple à la dérive, dépossédé de
lui-même, sans identité et sans but, en d'autres termes ni chair
ni poisson, ni indien ni caucasien.
May
raconte : " A mesure que je m'initie à leurs croyances, je comprend
plus nettement pourquoi ils ont montré si peu d'enthousiasme à
embrasser la chrétienneté que leur offrait le bon révérend Dulapin,
puisqu'ils disposent déjà d'une religion élaborée, parfaitement
satisfaisante à leurs yeux, dotée d'un personnage messianique
appelé Motse'eove. A la fois prophète et guide, il est la Douce
Médecine lui-même. Loin d'être né dans quelque lieu distant et
incompréhensible pour eux comme Nazareth, il a pour domaine cet
endroit précis, Novanose, véritable cœur du pays cheyenne, dans
tous les sens du terme. Qui s'étonnera maintenant qu'ils n'ont
pas l'intention d'abandonner ces terres ? "
Selon
la légende, c'est là que la Douce Médecine est apparue au peuple
il y a très, très longtemps, pour lui dire qu'un jour quelqu'un
viendrait parmi eux, cette personne serait toute " cousue " (c'est
ainsi que les Indiens se réfèrent aux vêtements des Blancs) et
quelle détruirait en arrivant ce dont le peuple avait besoin pour
vivre, c'est à dire qu'elle leur prendrait tout, le gibier et
la terre elle-même.
Si
la religion indienne se base essentiellement sur des superstitions,
la prophétie de la Douce Médecine gagne en crédibilité au vu des
événements qui se sont produits.
L'intérêt
principal du roman réside dans le scénario. Bien conçu, bien ficelé,
une vraie histoire pour le cinéma.
Viennent
ensuite les descriptions du peuple cheyenne, leurs mœurs si différentes
des nôtres. Ce monde nous apparaît parfois barbare, absurde et
cependant la plupart du temps les Indiens nous semblent si profondément
humains et l'intégration même des femmes blanches se fait tout
naturellement. En peu de temps elles deviennent de vraies cheyennes.
Il
y a en outre dans le roman des portraits de femmes blanches qui
sont très singuliers. Les vicissitudes de leurs vies, leur destin
individuel les a amenées à ce choix d'aller vivre chez les sauvages
car leurs vies à elles étaient cruelles et insupportables. Elles
ne pouvaient pas croire que cela pourrait être pire.
Ainsi
il y a Sara Johnston jolie, timide, elle est à peine pubère. C'est
comme s'il lui manquait le don de la parole. Sans famille, elle
se trouvait à l'asile depuis sa tendre enfance. On a dit à l'hôpital
qu'elle pouvait être le fruit de quelque liaison du docteur avec
une ancienne patiente. Elle retrouvera avec son mari indien l'usage
de la parole juste avant d'être égorgée par un indien Crows.
Les
sœurs Kelly, deux jumelles rousses, elles avaient été incarcérées
pour prostitution et vol qualifié après une sombre histoire avec
un juge perverti. Abandonnées sur les marches de l'église à leur
naissance elles ont grandi à l'orphelinat avant de s'y enfouir
à 10 ans. Les Indiens étant des joueurs acharnés elles se sont
improvisées bookmakers professionnelles et elles ont amassé une
petite fortune en marchandises et en chevaux en organisant différents
jeux et en prenant elles-mêmes part aux paris.
Il
y a Phemie, originaire d'Afrique. Elle a été vendue à un planteur
de Georgie lorsqu'elle était enfant. Depuis elle rêve d'être une
femme libre et tributaire de personne. Parmi les sauvages elle
arrive à se réaliser, devient une vraie guerrière et s'épanouit
complètement.
Pour
Helen Elisabeth Fligt, peintre, le fait de s'introduire chez les
Cheyennes c'est l'occasion d'étudier les oiseaux des prairies
de l'Ouest sans débourser un sou. Chez les sauvages elle devient
leur femme oiseau-médecine. En effet, avant leur départ pour des
excursions guerrières elle pare leur corps de fantastiques dessins
d'oiseaux. Cela est supposé les protéger, ils croient que cela
fait d'eux des guerriers invulnérables. Depuis Helen est très
respectée, presque vénérée. En échange de son travail on lui offre
toute sorte de présent : vêtements finement brodés, peaux d'animaux,
bijoux, rênes de cuir torsadé, selles…A un moment donné elle dit
: " C'est quand même une terrible ironie du sort, d'avoir attendu
de me trouver ici au milieu de nulle part pour rencontrer la réussite
et me faire correctement payer mes peintures ".
Nous allons terminer par un court extrait du livre, une courte
scène vivante et colorée qui nous emmène au cœur d'une fête indienne
:
"Se
lançant dans une valse lente, elle partit en tournant sur elle-même
rejoindre la foule des danseurs dans laquelle elle se perdit.
Ainsi,
l'une après l'autre, agrippées de notre mieux à un souvenir précieux,
ne serait-ce qu'à un pas de danse connu comme à un garde-fou,
aussi ténu fût-il, qui nous empêcherait de sombrer dans les abysses
indigènes qui s'ouvraient devant nous, nous avons pris part à
la danse.
Nous
avons dû offrir un drôle de spectacle à tourbillonner ainsi follement
sous la lune pleine… de valses en polkas, et de polkas en gigues,
jusqu'au cancan endiablé de notre jolie française Marie-Blanche.
Car, peu importaient les pas que nous choisissions puisqu'ils
se fondaient tous dans la même danse, toujours plus rapidement,
dans une frénésie de couleurs, de mouvements et de sons. Bientôt
tous les danseurs ressemblèrent aux oiseaux au jour de la parade,
plume gonflées ou plissées. Les hommes se pavanaient comme des
coqs et les femmes les émoustillaient de dos, revenant sur leurs
pas, repartant en avant, décrivant d'autres rondes… La musique
quant à elle reproduisait les grognements réguliers et tambourinants
des grands tétras de la prairie, battant ainsi le rythme de la
terre, ses battements de cœur, et dans les voix on entendait le
tonnerre, le vent et la pluie…danse et cadence du monde. Les dieux
au-dessus de nos têtes devaient se sentir fiers de leur création.
Emplissant
l'air sensuel de la nuit, la musique et les chants volèrent avec
la brise dans les plaines alentour, de sorte que même les animaux
des crêtes et des collines se sont rassemblés pour écouter et
voir. Les coyotes et les loups ont répondu de leurs plaintes,
tandis que des silhouettes d'ours, d'antilopes et de wapiti, sortis
de leurs tanières, se dessinaient nettement à l'horizon sous la
clarté lunaire. Les enfants les aperçurent derrière les braises
du feu, envoûtés et un rien effrayés par cette soudaine folie
en mouvement. Enfin, les vieux, observant une scène après l'autre,
hochaient la tête entre eux d'une mine approbatrice.
Nous
avons dansé. Et dansé. Sous le regard du Peuple, les yeux des
animaux. Même les dieux nous admirèrent.
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