Johann Wolfgang Goethe

"FAUST"


Biograpie
Résumé et commentaires
Faust (origine du mythe
Faust et l'opéra
Faust et le cinéma


Biographie


Ecrivain allemand, Johann Wolfgang von Goethe naquit le 28 août 1749 à Francfort-sur-le-Main.

La naissance de l'enfant fut laborieuse. Elle dura trois jours. Goethe vint au monde en quelque sorte mort-né, " tout noir ", c'est-à-dire à demi asphyxié. Aucun médecin n'était présent. Seules une sage-femme et la grand-mère se tenant derrière la courtine. On secoua l'enfant, on lui frictionna l'épigastre avec du vin : " Madame la Conseillère, il vit ! ", s'écria la vieille femme quand il ouvrit les yeux, de grand yeux bruns, presque noirs.

Dès l'enfance tout le favorise L'auteur se plaît à marquer qu'il naquit " sous une bonne étoile " et qu'il y eut dès sa naissance comme un accord préétabli entre l'univers et lui. C'est un trait foncier de sa nature que cette harmonie et le grand amour de l'ordre qui en découle.

La famille paternelle est originaire de Thuringe. L'arrière-grand-père était forgeron et son fils, Frédéric-Georges, en s'expatriant, choisit un métier plus raffiné : il se fit tailleur pour dames et partit pour la France et s'établit à Lyon, il n'en fut chassé que par la Révocation de l'Edit de Nantes. C'est ainsi que l'Allemagne doit au Grand Roi son plus célèbre écrivain. Frédéric-Georges prit le chemin de Francfort et conserva toute sa vie le nom de Göthé. Plus tard ce fut par son commerce de vins qu'il fit ses meilleures affaires et gagna une grande partie de la fortune familiale qui permettra plus tard à son petit-fils de mener grand train pendant des dizaines d'années.

Le grand-père n'était certes pas un patricien, mais il laissa à ses héritiers 90 000 florins en immeubles et en hypothèques, ainsi que 17 sacs de cuir pleins d'argent liquide. Son fils, le père de Goethe vécut en rentier et en " conseiller ", titre tout honorifique qu'il avait acheté à l'Empereur pour 313 florins.

C'est seulement à l'approche de la quarantaine (un âge avancé à l'époque) qu'il épouse Elisabeth Textor âgée de 17 ans. Elle est sans dot, mais appartient à une famille de magistrats considérés. Un an après Johann Wolfgang vient au monde, puis sa sœur Cornélie. Les trois enfants qui suivent ne vivent pas. Il semble que les relations conjugales aient alors pris fin.

Goethe fut un enfant choyé, élevé dans une belle maison patricienne où rien n'était pour l'apparat, mais ou rien non plus n'était de mauvaise qualité.

Goethe reçut, à la maison, une instruction soignée et qui aurait pu être celle d'un jeune gentilhomme, avec un professeur de musique et assez de leçons de français pour pouvoir l'écrire très correctement à seize ans et s'essayer à y faire des vers. On lui laissait aussi beaucoup de temps pour les jeux, le patinage et de longues promenades.

A cette époque, Francfort est un produit du Moyen Age, une ville ramassée, étroitement repliée dans ses murs. Chaque matin, les veilleurs de nuit doivent aller quérir les clefs chez le bourgmestre pour en ouvrir les portes. C'est encore le régime des corporations. Patriciens et plébéiens sont soumis à des ordonnances qui règlent jusqu'à la tenue vestimentaire. Sur la place publique, est dressé l'échafaud dont la mère infanticide gravit les marches. Le monde de Faust n'est pas l'écho romantique d'un monde révolu, mais un monde où Goethe est né et a grandi.

Sa longue vie est traversée de nombreux bouleversements : des guerres, des transformations dans les structures sociales et les conditions d'existence, dans les sciences, l'art et la poésie. Il voit la guerre de Sept Ans, qui amorce notamment la chute du Saint-Empire, les révolutions américaines et française, des guerres qui ont duré 25 ans, la domination de Napoléon et sa chute. Vieillard il est témoin de la révolution de 1830, par laquelle le prolétariat affirme, pour la première fois, ses prétentions politiques.

L'art passe du baroque au rococo, puis du classicisme au romantisme. La poésie allemande, d'une étroite médiocrité, atteint avec lui son plein épanouissement. Par Goethe, la petite ville de Weimar est devenue le centre mondial de la littérature, un lieu de pèlerinage pour grand nombre d'étudiants.

En regardant les marionnettes de la foire, le jeune garçon découvrait le théâtre et ses enchantements.

Son père voulait faire de lui un juriste et l'envoya étudier le droit à Leipzig, grande cité marchande comme Francfort, mais qui avait une université. Le jeune Goethe y arriva au cours de l'automne 1765 et y demeura trois ans, il y fit du droit, sans plaisir, mais surtout il y connut la vie d'étudiant et fit ses débuts poétiques.

Leipzig avait la réputation d'être un " petit Paris ", et le jeune homme de Francfort s'y fit tailler des habits neufs. En 1769, paraissent, sans nom d'auteur, les Nouveaux Chants qui constituent le premier recueil de Goethe : sujets aimables, vers faciles, qui déjà tranchent par la netteté du trait.

Goethe aimait assez le dessin et dans son autobiographie, il affirme même qu'il a tiré à " pile ou face " pour savoir ce que serait son " métier " et il existe des milliers de dessins de la plume de Goethe à toutes les époques de sa vie.

Après Leipzig, Goethe dut soigner, chez ses parents, à Francfort, un mal mystérieux qui, selon lui, ne put être guéri que par un médecin cabaliste. Le poète fit connaissance de l'occultisme et, en compagnie d'une amie de sa mère, Susanne von Klettemberg, il se laissa initier aux pratiques piétistes. (Le piétisme était la doctrine d'une secte chrétienne qui proclamait les vertus de la piété et exigeait une profonde religiosité). La magie, le monde des esprits devaient bientôt entrer dans son œuvre ; les premières scènes du Faust, qui seront écrites quelques années plus tard, en portent les traces.

Mais avec la santé revenue, Goethe partit pour Strasbourg afin d'y continuer son droit. On a choisi cette ville pour son climat relativement doux. A l'année alsacienne de Goethe s'attache aussi la figure touchante de Friederike, fille du pasteur Brion, de Sesenheim. Il l'a abandonnée, fuyant le bonheur champêtre qu'il chantait dans ses vers, mais se réservant de l'éterniser dans le personnage de Marguerite. Les premières ébauches de Faust remontent au lendemain de Strasbourg.

A Strasbourg en mai 1770, il vit Marie-Antoinette, fille de Marie-Thérèse et fiancée du dauphin de France. Cette réconciliation de la France avec l'Autriche, son ennemie héréditaire, fut, de la part des chancelleries européennes, un véritable coup de maître. Nous savons comment cela finit.

A cet étudiant peu assidu, l'université de Strasbourg délivra en 1771 une licence en droit. Goethe retourna à Francfort avec son parchemin et devint avocat stagiaire, comme le souhaitait son père. Un an plus tard il était auditeur à la Chambre d'Empire (Reichskammer) de Wetzlar.

Cette " Chambre d'Empire " avait à connaître des litiges entre les Etats qui formaient le Saint Empire. Elle travaillait très lentement ; Goethe continua à faire des vers et surtout des visites à Charlotte Buff (Lotte, fille du bailli de l'ordre Teutonique), qui habitait près de Wetzlar et qui était fiancée à J.C.Kestner, un collègue de Goethe.

Après une année à Wetzlar, Goethe revint à Francfort, portant en lui une blessure et une incertitude si profondes qu'il en fit un roman, bref mais destiné à le rendre célèbre en quelques mois : Les souffrances du jeune Werther. 1774 est une date dans l'histoire du roman. Genre tout d'abord d'imagination et d'aventures, le roman trouvait en Werther une direction nouvelle, car dans ce livre il ne se passe rien et on peut dire, d'après la correspondance de Goethe, que rien n'y est inventé. C'est simplement l'analyse des états d'âme d'un amoureux que ronge un mal sans merci. Le coup de feu qui l'achève et le délivre constitue toute l'action du roman.

Aussi fit-il scandale, car on sut que c'était une confession. Il y eut des attaques et des parodies, mais " l'auteur de Werther ", comme devait dire Napoléon en 1809, devint en un an l'auteur allemand le plus lu. Goethe devait dire plus tard que toutes ses œuvres étaient les fragments d'une grande confession ; il en avait livré, avec Werther, la page probablement la plus intime.

A cette période Goethe se lie d'amitié avec quelques jeune " rebelles " qui, plus tard, fondèrent avec lui le mouvement du Sturm und Drang (orage et élan) mouvement littéraire et politique à caractère préromantique qui prit naissance en Allemagne en 1770. Deux influences dominent cette période, celles de Shakespeare et de Rousseau.

Le prince héritier Charles-Auguste de Saxe-Weimar (alors âgé de 18 ans) invita le jeune poète à venir s'établir à Weimar ; on lui assurait une fonction qui lui permettrait de vivre en toute liberté. L'invitation du prince était d'abord une reconnaissance de son talent : il pourrait désormais en vivre avec honneur.

Fils d'une république marchande, Goethe accédait au rang de conseiller intime d'un prince ; il devait le demeurer jusqu'à sa mort avec des fonctions plus ou moins étendues.

Sa situation auprès du prince lui permettait de s'essayer à des activités diverses. Pénétré de l'idée qu'il pourrait introduire des réformes utiles et redresser des injustices, il a vite mesuré les limites d'une principauté de peu d'étendue, dont la production était faible, la paysannerie souvent proche de la misère et l'aristocratie soucieuse d'arrêter les réformes quand elles pouvaient réduire ses privilèges. Aussi Goethe fut-il souvent en conflit avec d'autres ministres.

Weimar était une petit Etat allemand comme tant d'autres, réduit à sa seule capitale, une petite bourgade campagnarde de six mille habitants et à quelques autres localités mineures. La Société et la Cour étaient dominées par quelques vieillards. Pour se l'attacher plus étroitement le duc lui a fait don d'un joli pavillon entouré d'un jardin et situé aux portes de la ville. Pour la première fois de sa vie Goethe se voit enchaîné. Sans doute, il se mêle dans ces sentiments un peu d'érotisme, qui n'a nullement besoin d'être d'ordre physique. La conduite des deux amis est d'ailleurs assez étrange pour prêter à bien des commentaires. Non seulement il sortent seuls à cheval, campent, boivent et dansent avec les filles du village, mais Goethe couche à chaque instant " avec le duc ", même à Weimar. Dans de longues conversations nocturnes, ils passent en revue tout ce qui occupe leur cœur et leur esprit. C'est le plus étrange Conseil des ministres qu'on puisse imaginer, ainsi de lit à lit ou l'un à côté de l'autre sur un large canapé.

Goethe a vécu ainsi, sans aucun déplaisir, pendant un assez long moment, cette existence de favori. Le voici donc conseiller intime en titre, président de la Chambre, directeur des Affaires militaires, inspecteur des Travaux publics incluant la construction des routes, en outre directeur des plaisirs, poète de Cour, organisateur de belles fêtes :opéras de Cour, bals masqués, directeur de l'école de dessin. Et partout, il est lui-même premier acteur et danseur. On attend de lui qu'il mette sa plume et ses talents à la disposition de la Cour. Ce poète, ministre et collectionneur n'a jamais cessé de consacrer une large partie de son temps à l'observation et à l'expérimentation.

L'événement le plus importante fut pour lui, sa rencontre avec la baronne von Stein, âgée de 33 ans et épouse de l'écuyer du prince Charles-Auguste. De sept ans plus âgée que le poète, cette femme très cultivée réussit à façonner Wolfgang, à orienter sa passion débordante vers l'harmonie et la beauté. C'est ainsi que, sur ses conseils, il accorda toute son attention au monde classique et, quand il se sentit fatigué de ses besognes administratives et du service de cour, il s'enfuit en Italie, patrie de la beauté.

Il partit le 3 septembre1786 et il demeura en Italie jusqu'au printemps 1788.

A la fin de son séjour en Italie il se consacre exclusivement à la poésie. Ses œuvres Egmont, Iphigénie, Torquato Tasso voient le jour.

De retour à Weimar il rencontre Christiane Vulpius, âgée de 23 ans. De cette idylle naîtra, en 1789, Auguste, le fils unique de Goethe.

Suit une période d'isolement et de solitude, que seule la guerre vint interrompre.

Le poète dut, en effet, accompagner Charles-Auguste qui guerroyait dans l'armée prussienne contre la France révolutionnaire. Goethe n'aimait pas la révolution française. En 1824 il écrira : " Je ne pouvais certainement pas être l'ami de la Révolution française parce que j'avais eu sous mes yeux tous ses crimes, même si j'étais convaincu qu'une révolution ne naît jamais par la faute du peuple, toujours par celle du gouvernement ".

Ce qui l'attire le plus dans les dernières années du siècle, ce sont les travaux scientifiques. Mais sous l'influence de Schiller il retrouve bientôt l'envie impérieuse d'écrire. Pour Goethe Schiller fut un puissant stimulant. C'est grâce à lui que Wolfgang fit progresser son Faust, termina Les années d'apprentissage de Wilhelm Meister, reprit le poème idyllique Hermann et Dorothée.

Les guerre napoléoniennes menaçaient l'Europe et aussi l'existence même du petit duché de Weimar. En 1806, après leur victoire de Iéna, les soldats français occupèrent Weimar ; la maison du poète fut réquisitionnée. Attaqué la nuit par des soldats ivres, il fut sauvé par la courageuse Christiane ; le lendemain 19 octobre, le poète reconnaissant l'épousa, et ils eurent pour témoin leur fils Auguste, âgé de 17 ans.

Le 2 octobre 1808 Goethe rencontra Napoléon qui l'accueillit d'un mot : " Voilà un homme ! ", témoignant ainsi l'admiration pour le poète. " j'ai bien lu sept fois votre Werther ", ajouta-t-il.

Son mariage avec Christiane ne modifia guère son mode de vie ; il continua de se comporter en vieux garçon. C'est dans la maison d'un ami, le libraire Fromann que le poète sexagénaire tomba profondément amoureux d'une jeune fille de 17 ans, Minna Herzlieb, qui lui inspira une nouvelle œuvre : Les affinités électives.

Des trônes étaient déjà renversés, des empires disparaissaient, mais tous les bruits du monde venaient mourir au seuil de sa maison : olympien, l'ermite de Weimar étudiait les couleurs, la morphologie comparée, la minéralogie, oublieux de sa veine poétique.

A l'âge de 65 ans il fit une cure à Wiesbaden ; une fois encore une femme devait lui inspirer une violente passion : c'était Marianne von Willemer, âgée de 30 ans, l'épouse du banquier et sénateur Willemer, un vieil ami de Goethe. C'est ainsi que naquit le Divan occidental et oriental.

En 1823 (il a 73 ans) une fois encore amoureux il demande la mains de Ulrike von Lavetzow. Elle refuse et plonge le pauvre Goethe dans le plus profond désespoir.

Goethe passera les dernières années de sa vie dans la maison de Weimar, devenu désormais un lieu de pèlerinage pour l'élite intellectuelle d'Allemagne. Goethe fera preuve jusqu'au bout d'une surprenante verdeur. Jusqu'en 1829, il travaille aux Années de voyage de Wilhelm Meister, puis à Faust, le monument de son existence.
Le 22 mars 1832, vers onze heures et demie du matin, Goethe rendit l'âme. Il était entré dans sa 83ème année. Depuis quelques mois seulement il avait terminé son Faust.


Faust (origine du mythe)

Faust est le protagoniste de divers ouvrages dramatiques, lesquels, au cours de plusieurs siècles ont repris, en la suivant plus ou moins fidèlement, la légende d'un célèbre magicien allemand qui vendit son âme au diable.

Le réformateur Melanchthon qui avait connu Faust en personne l'appela brute monstrueuse " repaire de tous les démons ". Faust est donc un personnage qui a réellement existé. Né aux environs de 1480, il étudia probablement à Cracovie les sciences magiques ; bientôt il se fit beaucoup de bruit au sujet de ses qualités de thaumaturge, que l'on exagérait, et qui lui attiraient une foule de gens crédules quand il passait dans les villes et les villages d'Allemagne, de Hollande, et même, croit-on, de Suisse et d'Italie.

A une époque où la foi en la magie régnait souverainement, la légende s'empara bientôt de sa vie aventureuse et de ses exploits miraculeux, légende alimentée au XVIe siècle, par les luttes religieuses entre catholiques et luthériens, qui se rejetèrent les uns sur les autres la faute d'avoir corrompu l'âme de Faust.

En 1587, fut publiée à Francfort-sur-le-Main l'Histoire du docteur Johann Faust….œuvre d'un luthérien anonyme, où apparaît déjà le thème du pacte avec le Diable, suivi d'une tentative de conversion, puis d'un solennel avertissement " ad studiosos ", et enfin, à l'échéance du pacte, de la fin tragique du personnage condamné aux peines de l'enfer.

Vers la fin du XVIe siècle, la légende de Faust est déjà connue également en Angleterre, où, au début du siècle suivant, Marlowe composa sa Tragique histoire du docteur Faust (1601).

Dans cette œuvre, la figure du protagoniste est présentée sous un jour tout à fait nouveau : " Faust n'est plus courbé sous le poids de la " défense théologique " du Moyen Age, mais animé de cet esprit de rébellion qui domine la pensée de la Renaissance et qui, contre tout dogme, exalte les droits de la raison. Il n'est plus le vulgaire charlatan du XVIe siècle, mais plutôt le vigilant titan qui célèbre la magie de la vie sans se soucier d'éloigner de lui la terreur du châtiment. Bientôt pourtant cette étincelle d'esprit titanesque s'éteint et, arrivé au terme de sa vie, Faust invoque lui aussi le Christ, et le prie de sauver son " âme angoissée ".

Par la suite, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, la figure de Faust dégénère : le personnage est alors dans les mains d'obscurs rhapsodes ; il n'y a plus de place pour un Faust tragique, car le héros de la légende est devenu l'objet d'innombrables spectacles de marionnettes (Faust puppenspiele).

Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Faust sort des baraques de marionnettes et, dans un fragment de Lessing (vers 1759) nous trouvons la première idée de son salut, qui ne devait pas cependant être la récompense accordée par Dieu à un pêcheur repenti, mais plus exactement le fruit d'un tour joué par le Ciel aux puissances infernales ; bien que la soif de connaissance du docteur l'ait fait outrepasser les limites permise, " Dieu ne peut avoir donné à l'homme le plus noble de ses instincts pour le rendre ensuite éternellement malheureux ".

A l'époque du Sturm und Drang, dans deux fragments de tragédie de Friedrich Muller (1778) reparaît l'aspect titanesque du personnage présenté comme un élan désordonné d'activité destructrice.

Enfin, le génie de Goethe, en représentant l'ancienne légende d'abord dans l'Urfaust (1773-75), puis dans la rédaction définitive de la première partie de son poème dramatique (1808) et enfin dans son œuvre achevée peu de temps avant sa mort (1832), crée la plus fameuse version du personnage.

D'autre écrivains ont été inspiré par Faust. Manfred de Byron rappelle par certains côté le Faust de Goethe. Nikolaus Lenau, Oswald Spengler et son Déclin de l'Occident, Paul Valery et son Mon Faust, Thomas Mann et son Doctor Faustus. Et enfin citons le film de René Clair : La beauté du diable.


Résumé et commentaires

Goethe a travaillé 60 ans à cette œuvre, qui avait déjà derrière elle trois siècles d'histoire. Le personnage est issu de la légende, Goethe ne l'a pas inventé, mais il lui a donné une forme. Sans cesse questionné au sujet de cette œuvre et de son sens, Goethe a déclaré un jour que la première partie était sortie d'un être troublé par la passion, " qui peut obscurcir l'esprit de l'homme ". La seconde partie révèle un monde plus élevé, plus large, moins soumis à la passion.

Dans sa dernière version de Faust, Goethe place au début du poème un " Prologue " qui pose d'emblée la question obsédante du salut de l'âme.

Dans ce prologue Méphisto demande au Seigneur " Donnez-moi licence de vous le pervertir ". Dieu qui contemple avec admiration les efforts de l'homme pour se dépasser, sait que son aspiration à l'infini le sauvera et répond " Fais-en désormais ton affaire. Détourne cet esprit de sa source première, […] Mais reste confondu s'il te faut reconnaître qu'un homme bon, toujours, si troublé qu'il puisse être, demeure conscient du chemin le plus droit. "

Le Seigneur accorde donc à Méphisto de " tenter Faust " car il a confiance en lui. Méphisto paraît comme le " contestataire " de la création dont les ruses et les railleries doivent surtout stimuler l'homme et l'empêcher de s'assoupir dans l'inertie. On peut remarquer que la liberté de l'homme n'est pas entièrement rivée au mal.

Faust sait tout, ou presque, mais le savoir ne l'a pas mis en contact avec les choses, la vérité, la nature, le mystère divin. C'est pourquoi il se tourne vers la magie, voulant " pénétrer " par l'action et par le sentiment la nature entière ".

Deux âmes coexistent en lui, l'une cramponnée à la terre et aux passions, l'autre aspirant à s'élever au mystère divin.

La nuit, " dans une chambre gothique " Faust qui a étudié toutes les sciences pour assouvir son ardent désir de savoir, déplore la vanité de toute sa science poussiéreuse. Son serviteur Wagner ne discourt que d'une science vaine et desséchée. Faust se consacre alors à la magie, dans l'espoir de pénétrer le mystère des choses, mais c'est en vain qu'il évoque l'esprit de le Terre et de la Vie. L'imperfection de la nature humaine ne lui permet pas de dépasser la lumière de l'esprit qui l'éblouit. Vaincu par le désespoir, il veut mettre fin à ses jours lorsque, dans la clarté sereine d'un matin d'avril, jaillit et se répand dans l'air un doux tintement de cloches. C'est le jour de Pâques : Christ est ressuscité et Faust repense au bonheur innocent de sa lointaine enfance.

Aux portes de la ville, parmi les promeneurs, Faust avec Wagner apprécie le printemps, les danses paysannes, le respect de ces hommes, dont il se sent indigne. Il rêve d'autres cieux et d'autres esprits : il sent en lui la présence d'une " autre âme " extra humaine qui sans cesse est à la recherche de l'Insaisissable, de l'Irrationnel. Un barbet noir tourne autour de lui.

Revenu dans son laboratoire, il veut ensuite s'adonner à l'étude de l'Ancien Testament.
Faust entreprend de traduire saint Jean en allemand, mais hésite sur le premier verset. Dérangé par le barbet qui l'a suivi il l'exorcise : Méphisto apparaît en étudiant, se donne comme l'esprit négateur, puis appelle un cœur d'esprits pour endormir Faust et lui échapper. Il reviendra habillé en cavalier.

A ce moment là le Diable propose un pacte au savant : il le servira sur terre, mais dans l'au-delà se sera le contraire. Faust riposte par un pari qui ressemble bien à un défi, trop persuadé que jamais le démon ne pourra satisfaire ses aspirations.

Faust apparaît constamment supérieur au démon. Faust veut jouir de la vie sans limites : l'or, le jeu, les femmes, la gloire, il énumère tout cela car, pense-t-il, un but plus élevé n'est pas à la portée du " pauvre diable ". Il est très sûr de son affaire : Méphisto ne pourra jamais lui offrir à satiété la jouissance et il dit alors les mots connus " Et quand je dirai à l'instant : reste, tu es si beau ! alors tu pourras me charger de tes chaînes, alors je consentirai à me perdre ! "

Après ce pacte peut commencer le voyage à travers une vie agitée.

Méphistophélès cherche à satisfaire Faust par le plaisir des sens, le conduisant à la taverne d'Auerbach à Leipzig. Puis à califourchon sur un tonneau de vin, il se dirigent vers la cuisine de la sorcière où Faust retrouvera la jeunesse, afin d'affronter l'expérience des sens. Au milieu d'un attirail typique et d'animaux répugnants, Faust voit dans un miroir une image féminine qui lui donne le vertige.

Dans la rue Faust rencontre Marguerite, une pure et délicieuse jeune fille et demande au Diable de l'aider à la conquérir. Méphisto déclare que sur un être pareil il n'a nulle puissance mais lui promet de se servir de la ruse. Au crépuscule ils pénètrent dans la chambre de Marguerite où Méphistophélès cache des bijoux avec le secret espoir que la jeune fille en perdra la tête. Marguerite les découvre et s'en pare avec ravissement. On apprend dans la scène suivante que la mère de Marguerite a apporté les bijoux au curé.

Dans le jardin de la voisine, Marguerite raconte sa vie simple à Faust qui lui parle d'amour, tandis que Méphisto et Marthe jouent un contre point grotesque. Plus tard dans un décor majestueux de Forêt et caverne, Faust invoque l'Esprit de la terre et le remercie de lui avoir ouvert la Nature. Mais Méphisto trouble ironiquement sa méditation et l'entraîne à achever la séduction de Marguerite.

Pendant ce temps dans la chambre de Marguerite, la jeune fille chante son trouble. Dans le jardin de Marthe, Faust fait une profession de foi de style panthéiste ; Marguerite lui avoue sa répulsion pour Méphisto, puis accepte de le recevoir la nuit suivante, à la grande joie du diable.

Un peu plus tard, à la fontaine, Marguerite entend les commérages sur les filles séduites. Au rempart, elle implore la Vierge. Le soir devant la porte de Marguerite, son frère Valentin, déplore le déshonneur de la famille, interrompt la sérénade galante de Méphisto, mais se fait tuer en duel par Faust et meurt en maudissant sa sœur.

Méphisto a emmené Faust dans le Harz pour assister à la Nuit de Walpurgis. Tous deux montent parmi les feux follets, les sorcières et toutes sortes de silhouettes du passé et du présent. Faust entre dans la danse avec une sorcière, mais voit surgir l'image de Marguerite comme morte. Suit un long intermède, le Songe de la nuit de Walpurgis, où défilent sous des masques anonymes toutes sortes de figures typiques ou de personnalités de l'actualité, finement caricaturées.

Par un jour sombre dans la campagne, Faust reproche violemment à Méphisto de lui avoir caché le malheur de Marguerite, infanticide (de la liaison avec Faust, Marguerite a eu un enfant et elle l'a supprimé car c'était l'enfant du péché) et emprisonnée et ils partent la délivrer.. Dans le Cachot, Marguerite devenue folle prend d'abord Faust pour un bourreau, puis le reconnaît à sa voix, veut l'embrasser, passe des souvenirs de leur amour à ceux de ses malheurs et aux pressentiments de sa mort, mais elle refuse de
fuir avec lui et, quand Méphisto survient, repousse Faust et s'abandonne à Dieu. Le diable la croit condamnée, mais une voix d'en haut la proclame sauvée.

On a vu comment avec l'invention du rajeunissement Méphisto a jeté Faust dans le trouble des désirs. Les tours pendable de Méphisto n'ont procuré à Faust qu'un piètre amusement car Faust a soif d'autres émotions comme d'autres connaissances. Le drame de son amour pour Marguerite c'est que, très vite, Faust y cherche bien plus que la jouissance mais plutôt l'absolu du sentiment. Faust agit en vulgaire séducteur, mais éprouve un amour sincère ; Marguerite pense en petite bourgeoise, mais vit son don de soi avec une totale générosité. Elle court à sa perte, au crime et à la folie avec un élan de tout l'être et une probité radieuse.

Ce qu'il a vécu avec elle c'est l'enthousiasme du sentiment, puis la stupeur et la révolte devant le malheur qu'il a déclenché, enfin le sentiment tragique de la faute. On sait que Goethe aussi s'est toujours voulu libre de ne se lier avec aucun amour et en même temps s'est toujours senti coupable de cet égoïsme.

Dans le deuxième Faust ont voit comment celui-ci est un esprit malade qu'il faut réconcilier avec la vie : la poésie et la nature y pourvoiront. La tragédie se transforme en poème cosmique et s'élargit vers l'universel qui veut révéler un monde " plus élevé, plus vaste, plus éclairé. Le monde germanique disparaît pour faire place au rêve grec et à Hélène. Du rôle de diable de l'ancienne légende, Méphisto passe à celui de compagnon, de partenaire ou de simple récitant qui s'adresse directement au public ; le pacte est oublié, provisoirement aboli. Au moment du dénouement Goethe reviendra au commencement, au diable de la tradition populaire et à l'enfer. L'ancien pacte refait son apparition, ce qui entraînera l'auteur dans une situation inextricable.

La seconde partie est divisée en quatre actes ; au premier, Faust se réveille du sommeil de l'oubli, au milieu d'une nature accueillante, et il est comme régénéré. Il ne se souvient plus de son passé, dont il ne subsiste qu'un très lointain souvenir. En compagnie de Méphistophélès, il se rend à la cour de l'Empereur où, grâce aux prodiges du malin, il réussit à se faire nomme trésorier.

A la demande de l'empereur, Faust évoque les champions de la beauté humaine : Pâris et Hélène. Lorsque Hélène lui apparaît, Faust essaie de l'attirer à lui, ivre d'amour, il veut la posséder, mais Hélène n'est qu'un fantôme et Faust tombe évanoui. Méphisto le ramène dans son laboratoire.

A la cour de l'Empereur Faust se mêle peu de ce monde de l'argent, de l'apparence, de l'illusion, de rôles artificiels, et cependant il joue le sien. Lorsque l'Empereur manifeste le désir de voir Pâris et Hélène, Faust se sent séduit par ce mystère dans lequel il pressent le mystère même de l'être et montre une attitude décidée pour partir à l'aventure.

A la recherche d'Hélène, Faust décide de se rendre chez les Mères, symboles de la nature, mère et créatrice de tous les êtres, Faust part donc pour remonter aux sources dans une longue quête de la Beauté.

Au second acte, Faust se réveille et retrouve son élève Wagner comblé d'honneurs académiques. Wagner prétend n'avoir plus rien à apprendre de son ancien maître, mais ce n'est qu'avec l'aide de Faust qu'il parviendra à produire dans son laboratoire l'Homunculus, l'homme artificiel né dans une éprouvette, doté d'un cerveau et d'un esprit, qu'il avait jusqu'alors vainement essayé de créer.

Créer un être vivant, c'est un vieux rêve de l'humanité. Avec Wagner, Faust crée l'Homunculus mais ce n'est pas un être vivant qu'il fabrique mais un être artificiel. Homunculus n'a pas de corps, mais un esprit d'autant plus agile, ouvert, lucide. Il comprend d'emblée le rêve de Faust et lui servira de guide dans sa quête d'Hélène puisque Méphisto lui fait défaut.

Homunculus voit tout ; il devine les pensées les plus secrètes et les rêves des hommes ; mais il est incomplet : il n'a ni âme, ni consistance, ni plénitude physique. Tout comme Faust, il a donc besoin d'un bain d'hellénisme pour que nature et esprit se fondent en une réalité pleinement harmonieuse. Homunculus part en voyage avec Faust et Méphistophélès pour assister avec lui à la " Nuit classique de Walpurgis ", au cours de laquelle chacun d'eux suit sa propre voie : Faust part à la recherche d'Hélène, tandis qu'Homunculus dans son désir de devenir " naturel ", se dissout dans la mer pour renaître à une vie nouvelle.

Goethe imagine une nuit de Walpurgis classique dans laquelle Faust va être conduit parmi les images héroïques et mythiques de l'Antiquité, vers la Beauté inspiratrice à laquelle toutes le renvoient. Ce monde de la Beauté est celui de la Nature, étranger aux catégories de Bien et de Mal : aussi Méphisto, démon germanique et chrétien, se sent-il continuellement dépaysé et grotesque. Il finira par découvrir que le mal, ici, c'est le chaotique ou le laid et, tout naturellement, il empruntera le masque de la laideur parfaite, celui des Phorkyades. Faust au contraire retrouve ses souvenirs de vieil humaniste et sa ferveur de la beauté classique.

Au troisième acte, Hélène est contrainte par Méphisto de se rendre au château médiéval où Faust s'est installé après la Nuit de Walpurgis. Hélène représente le monde classique et méditerranéen de la Grèce antique, tandis que Faust est le monde nordique, médiéval et romantique. Leur rencontre (celle du génie nordique et de la beauté classique) aboutit à une fusion, à une interpénétration des deux mondes. De l'idylle, on glisse ensuite à la pastorale, quand, dans le bonheur d'une Arcadie de rêve, le couple se voit comblé par la naissance d'un enfant merveilleux. De l'union de Faust et d'Hélène naît un enfant nommé Euphorion (figure de la poésie et de l'envol) qui au sens maternel de la beauté classique unit l'inquiétude intellectuelle de son père.
Euphorion apparaît d'abord comme cet enfant merveilleux que connaissent toutes les mythologies. Un peu après, son impatience de vivre et les nobles ambitions de son jeune génie laissent transparaître l'allégorie de la poésie moderne, la poésie romantique symboliquement réconciliée ici avec le classicisme.

Au cours de sa quête d'expériences héroïques, Euphorion dépasse les limites du monde connu et meurt. Avec lui disparaît également Hélène, sa mère.

Bonheur fugitif : la disparition d'Euphorion entraîne celle de sa mère qui ne laisse entre les bras de Faust qu'un voile symbolique. Mais Faust ne se sent nullement anéanti car il a acquis volonté virile et sagesse depuis le moment où il s'est décidé à aller jusqu'aux Mères pour Hélène. En effet, partir en quête de la Beauté, la mériter et la conquérir, c'est là pour Goethe une des expériences suprêmes de l'homme.

Il doit maintenant regarder vers l'avenir et la majesté du paysage inspire à Faust de grands desseins : il veut défricher des terres conquises sur la mer, rejette la jouissance et la gloire pour vivre enfin " l'Action ". Faust retourne auprès de l'Empereur duquel il veut obtenir les territoires à coloniser.

Au quatrième acte, Faust se retrouve donc sur terre, en haute montagne. Parvenu à la pleine maturité et à la connaissance de soi par la possession d'Hélène de Grèce, Faust devine enfin que la vraie voie conduisant l'homme au bonheur se trouve dans l'action continue et il se consacre à une grande oeuvre de rédemption humaine. Rentré en Allemagne avec trois géants appelés par Méphisto, il aide l'empereur à remporter une grande victoire contre l'anti-empereur.

Le souverain reconnaissant lui attribue un vaste territoire où il pourra entreprendre la réalisation de son vaste projet humanitaire. Mais deux vieillards, Philémon et Baucis, refusent d'abandonner leur cabane et font obstacle à ses plans d'aménagement. Toujours insatiable, Faust regarde avec impatience la maisonnette avec les tilleuls, que Philémon et Baucis on refusé de lui céder et qui surnage comme un îlot de paix antique au milieu de sa colonie affairée. Méphisto suggère d'employer les grand moyens et Faust, laisse faire. C'est alors qu'interviennent les trois géants de Faust qui, ayant mal interprété les ordres de leur maître, mettent le feu à la cabane où était resté le vieux couple. Quand l'opération a tourné au meurtre et à l'incendie, Faust n'exprime d'abord qu'un regret platonique. Mais le crime l'a-t-il éclairé sur les services de Méphisto ?

Toujours est-il qu'il décide de ne plus recourir désormais aux facilités de la magie. Il se défendra seul et s'affirmera comme homme libre. Le sentiment de sa culpabilité le ramène à des dimensions plus humaines.

Goethe a fait vivre son Faust cent ans et il lui a fait connaître la vie sous toutes ses faces. Très judicieusement, il ne lui a montré qu'au moment de sa mort les sombres figures qui accompagnent ordinairement l'homme sa vie durant : " la pauvreté, la détresse, la faute ". Si Pauvreté, Détresse et même Faute ne peuvent l'atteindre, le Souci tente de l'ébranler et atteindra Faust dans son corps au moins en le rendant aveugle : cécité symbolique et signe prémonitoire de la mort qui approche.

Mais Faust ne se donne par pour battu : alors que les fantômes dirigés par Méphistophélès creusent déjà sa tombe, il croit que le bruit de leurs bêches provient du dernier de ses grands travaux et il avoue être au summum du bonheur.

Faust a dépassé l'égocentrisme étroit qui guidait jusqu'ici son action. Il veut ouvrer pour les hommes et préparer les voies " à un peuple libre sur une terre libre ".

Après la conversion du magique à l'humain, voici celle de l'individualisme à l'altruisme, voici la dernière sagesse de Faust qui, dans l'enthousiasme entrevoit la réalisation du plus beau rêve de l'humanité, l'instant suprême - et expire.

Selon les termes mêmes du pacte, Faust a perdu son pari et son âme devrait revenir au diable. Mais une armée céleste triomphe de Méphistophélès et emmène l'âme de Faust au Paradis. Le chœur des anges révèle les raisons du salut de Faust : ils peuvent racheter quiconque lutte pour s'élever. Devant le trône de la Master Gloriosa, intercède pour lui une pénitente nommée Marguerite, déjà pardonnée.

Goethe, protestant d'éducation, mais chrétien fort tiède et sans doute peu disposé à souscrire à des dogmes comme le péché originel ou l'incarnation, n'hésite pas, au grand embarras des interprètes, à recourir, pour évoquer l'histoire du salut de Faust, à des références insistantes au dogme et à la liturgie catholiques, au point de couronner l'ouvrage par des hymnes grandioses plaçant la rédemption tu titan sous le signe de la dévotion à la Vierge…..

L'assomption de Faust se déroule dans le ciel à partir d'une montagne parmi les anachorètes mystiques, les anges et les âmes d'enfants : car Faust libéré du démon doit apparemment croître en perfection, avant de suivre les traces de Marguerite, reparue ici parmi les pécheresses qui ont été pardonnées parce qu'elles ont beaucoup aimé. Toutes les voix chantent l'amour divin et c'est sans doute parce que la femme lui apparaît comme l'appel le plus éloquent à l'amour que Goethe fait intervenir ici, en lieu et place du Seigneur, la Vierge glorieuse.

De cette image mystique, Goethe passe au principe métaphysique de l'Eternel féminin. Marie, représente pour Goethe l'amour divin, la Grâce, l'énergie mystérieuse qui met la nature en mouvement comme elle attire l'homme vers les hauteurs.

Pour conclure Richard Friedenthal écrit : " Pas plus que nous ne savons quelle était l'intention de Bach en composant son Clavecin bien tempéré, nous ne connaissons les " intentions " de Goethe en écrivant son Faust. Il s'est lui-même refusé à le dire. C'est un poème. " Quant à la façon dont j'ai terminé mon Faust, laissez donc cela au poète ". Le symbolisme poétique a un caractère d'ambiguïté qui cadrait bien avec les intentions de Goethe. Un poème doit être 'incommensurable " répète-t-il sans cesse. Poèmes orphiques, sentences sibyllines, oracles, telles sont les formes dans lesquelles il aime s'exprimer dans sa vieillesse.

" Plus une œuvre poétique est incommensurable, inaccessible à la raison, meilleure elle est ". Mallarmé écrira plus tard " Les poésies ne son pas faite d'idées, mais de mots ", Paul Valery l'a formulée plus clairement encore " Mes vers ont le sens qu'on leur prête. C'est une erreur contraire à la nature de la poésie et, en certaines circonstances, mortelle pour elle, d'exiger que chaque poème ait un sens véritable ".

Faust a le sens que le lecteur lui prête. Peu jouée en entier, rarement lue intégralement, elle n'en demeure pas moins le monument le plus auguste des lettres allemandes.

Faust et l'opéra

" La damnation de Faust " de Berlioz


Berlioz découvrit la première partie du Faust de Goethe peu après la parution de sa traduction en français par Gérard de Nerval en 1828. Plein d'enthousiasme, il mit en musique certains passages qui furent édité en avril 1829 sous le titre Huit Scènes de Faust et les envoya à Goethe. Influencé par sa conception musicale conservatrice, le poète exprima le jugement suivant : " Certaines personnes ne sont capables d'exprimer leur présence d'esprit et leur intérêt qu'en toussant, se mouchant, régurgitant ou croassant : Hector Berlioz semble en faire partie. Attiré par l'odeur du soufre de Méphisto, il lui faut maintenant souffler et éternuer, si bien que tous les instruments de l'orchestre se mettent à cracher et à s'agiter - Faust n'a pas bougé d'un seul cheveu ". Dès la fin de cette même année, Berlioz retira sa partition car il ne pouvait l'exploiter ni comme symphonie, ni sous forme de ballet.

Plus tard Berlioz reprit le texte de Goethe et le livret fut élaboré par le compositeur lui-même qui ajouta ses propres textes aux passages originaux. Mais l'œuvre fut accueillie avec beaucoup d'indifférence. Cette musique passionnée et expressive passait alors pour révolutionnaire, voire cacophonique, d'où l'échec total de la Damnation à Paris. Elle triomphera plus tard en 1847 à Saint-Péterbourg et Berlin.

Il est incontestable qu'à travers cette musique magistrale, Berlioz avait tenté d'innover en matière de dramaturgie musicale. Il fut non seulement le maître fascinant d'un ensemble monumental, constitué du chœur et de l'orchestre, mais aussi l'inventeur d'une musique psychologique et d'une nouvelle palette de sons qui s'expriment dans sa " légende dramatique ".

Cette œuvre fait penser à une peinture somptueuse et gigantesque, évoquant images et visions dans une telle profusion que la mise en scène en devient justement nécessaire.

L'intrigue de "La damnation de Faust"

Un four à cuve, dans lequel est en train de se constituer un homme nouveau, occupe le milieu de la scène. En pleine dépression, Faust tente de se suicider pendant l'éclipse totale du soleil, en se précipitant dans la cuve ; jusqu'à présent il y avait quotidiennement coulé son égo, à l'instar tous les autres êtres humains. Dans le four, il reste un fragment de l'âme de Faust (Méphistophélès). C'est alors que commence un périple aventureux à travers les sphères micro et macrocosmiques, jusqu'au moment où Faust ressent et découvre de faibles traces de son âme (Marguerite). A la fin Faust est contraint de conclure un pacte avec son ombre (Méphistophélès) pour assurer le salut de son âme (Marguerite, le côté féminin de sa personnalité). L'éclipse passée, Faust, Méphistophélès et Marguerite se fondent en un être nouveau.

Le dénouement est une chevauchée vers l'abîme, sans doute inspirée par la fameuse gravure de Delacroix.

Faust se condamne par le geste même qui doit sauver Marguerite et ne trouve d'explication que dans le pessimisme décidé de l'auteur, pessimisme confirmé par les échecs de sa vie, mais qui sans doute renvoie aussi à Byron : c'est tout à fait conforme à Byron de transformer le " pari " goethéen en un " défi , comme de conduire impitoyablement le héros, misérable victime de " la vieille sensiblerie humaine ", comme dit Méphisto, à une damnation grandiose. Berlioz toutefois revient au Second Faust lorsqu'il montre l'apothéose de Marguerite et insinue que " la clémence, un jour, sur Faust aussi s'étendra ".


Le Faust de Gounod

Le livret suit de près le texte de Goethe, mais réduit à quelques lignes le monologue initial. Tout le " drame de la connaissance " a disparu ! Dans la lassitude de vivre de Faust, il ne reste rien de métaphysique ni de surhumain : vieillard, il aspire seulement à retrouver les " ivresses " et les " désirs " très immédiats de la jeunesse. Voilà qui réduit l'ampleur du drame ! L'idylle occupe quatre actes sur cinq. Elle est dominée par la figure de Marguerite, assez goethéenne, à la fois naïve et touchante dans son rôle de victime.

En face d'elle, Faust pâlit : séducteur assez novice, il a perdu toute grandeur et ne montre ni courage ni tendresse.

M. Carré et J. Barbier ont fourni à Gounod u texte déplorable, qui tente en vain de compenser sa nullité poétique en accumulant les formules ampoulées, les chevilles et les clichés les plus usés.

Par contre la musique vibre d'un tragique authentique. L'opéra emporta un " grand et légitime succès " (écrit Berlioz, qui pourtant ne cache pas ses réserves), sans doute parce que, outre la qualité de la musique, il répondait exactement au goût du public : répudiant toute philosophie, toute démesure byronienne, ramenant le fantastique à une caricature assez inoffensive, il ne conservait de ce drame si romantique qu'un sentiment religieux assez marqué, une figure démoniaque à peine inquiétante et l'image mythique de l'amour tragique.

Ce n'est plus une méditation du mal, du Destin, de l'Homme, c'est une histoire de jeunesse et d'amour, un drame très réel d'ailleurs. Tel quel, l'opéra est imprégné d'une espèce de romantisme populaire, réduit à quelques sentiments simples, qui colorera largement, un siècle encore, la littérature populaire, les chansons et le cinéma. En ce sens l'opéra de Gounod marque bien l'adieu aux grands Faust romantiques dont il assure à sa manière la survivance.

 


Faust et le Cinéma

"La beauté du diable" de René Clair

Professeur âgé et célèbre, Faust évoque le démon qui lui apparaît sous ses propres traits et lui propose la jeunesse " sans conditions " !. Rajeuni et émerveillé, Faust part sur la route avec des forains, parmi lesquels une gentille Marguerite. Méphisto a pris la place et les traits du vieux professeur et propose à Faust rajeuni de faire de l'or avec lui pour le prince. Passionné de science, Faust accepte.

Ses élans séduisent la princesse, mais au moment où il proclame " Je suis l'homme le plus heureux du monde " - il se retrouve aussitôt sur la paille. Pour ne pas tout perdre, il signe alors le pacte. Mais un jour Faust veut savoir l'avenir : dans un miroir, il se voit entraîné au crime, à la guerre, à la tyrannie. Il refuse cet avenir, veut anéantir son œuvre et rejoindre Marguerite. Celle-ci est arrêtée comme sorcière ; tentée en vain par Méphisto, elle lui arrache le pacte signé par Faust, qui brûle au milieu de l'émeute populaire. Méphisto disparaît, Faust et Marguerite partent sur la route avec leur roulotte de forain " vers l'horizon ensoleillé ".

Cette intrigue est marquée d'un optimisme délibéré. Le pacte n'enchaîne pas vraiment la liberté de Faust. Contrairement à la fausse sagesse du diable " Le destin, c'est le destin. Tu ne peux pas y échapper ", nos auteurs (René Clair et Armand Salacroux) prétendent bien qu'il n'est jamais trop tard pour ressaisir sa liberté et que la lucidité suffit à redresser la situation.

Faust, c'est la jeunesse, c'est-à-dire le visage de Gérard Philippe et l'âge des désirs. Par la suite il a à choisir entre deux mondes, celui des grands rêves et de la réussite ou celui de l'amour, de la vie simple, de l'authenticité.

Notre héros finit par renoncer à son destin de Faust, et gardant en prime sa jeunesse retrouvée, il part sur la route avec les forains.

Ce dénouement désinvolte et l'ironie continuelle exercée sur ce sujet si grave devaient susciter en Allemagne bien des réserves.

Par contre les marxistes devaient adopter ce film où le peuple incarne la santé et la révolte contre la fatalité, tandis que des critiques catholiques relevaient l'apologie du libre arbitre et le refus des ambitions orgueilleuses.

Dans un dialogue pétillant d'intelligence, La Beauté du Diable offre une vision neuve, optimiste et un rien romantique, mais qui, comme le veut l'époque, démystifie les ambitions " faustiennes ".

 

Bibliographie :

Dictionnaire des personnages de tous les temps et de tous les pays - Editions Laffont-Bompiani -

Goethe, sa vie et son temps _ Richard Friedenthal - Editions Fayard

Goethe - Les Géants - Paris-Match - Numéro culturel hors série -

Le mythe de Faust - André Dabezies - Editions Arman Colin -

La Grande Encyclopédie Larousse

Goethe - Faust - Editions GF Flammarion - Préface Bernard Lortholary

 

 

 
 

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