Laurent Gaudé
" Le soleil des Scorta "




Synopsis

Il est deux heures de l'après-midi et le soleil du mois d'août règne sur le massif du Gargano. Dans un pays désertique un âne et son cavalier avancent lentement.

Après quinze ans de prison, Luciano Mascalzone revient dans le petit village blanc de Montepuccio. Une obsession l'habite : le désir brutal de Filomena Biscotti.

Luciano pénètre chez les Biscotti et ne reconnaît pas la femme à qui il fait l'amour. Immacolata " a le visage que Filomena aurait pu avoir s'il lui avait été donné de vieillir et Luciano Mascalzone qui croit prendre Filomena dépucèle sa sœur ".

C'est d'une erreur que naîtra la lignée des Mascalzone.

Rocco, " né d'un cadavre et d'une vieille " fut élevé par un couple de pêcheurs, les Scorta. Violent et affamé, il régna sur la région en y apportant la terreur. Il épousa une jeune femme muette à qui il fit trois enfants : Domenico, Giuseppe et Carmela.

Rocco s'est enrichi. Pour cela il a tué, pillé. Mais tout ce qui est à lui doit mourir avec lui. A la veille de sa mort il se confesse au vieux curé de Montepuccio et fait don de sa fortune à l'Eglise et condamne ainsi ses fils à vivre sans repos.

En échange il demande que les siens soient enterrés comme des princes de génération en génération.

Les enfants Scorta, avec un billet procuré par l'Eglise, embarquent sur un paquebot qui fait la liaison entre Naples et New York. Ils se retrouvent en l'Amérique, aux portes du paradis et plus rien ne leur fait peur. Mais le destin est au rendez-vous. Lors d'un examen médical dans la petite île d'Ellis Island, le médecin détecte chez Carmela une infection. Elle est refusée. Les deux frères décident de repartir avec sa sœur et le voyage de retour sur le paquebot destiné aux malades de toute l'Europe est long et pénible. Les décès sont nombreux.

Carmela s'occupe d'un vieux Polonais. Korni meurt une nuit où le roulis est doux. Au moment où il se sent partir il remet à Carmela un chiffon avec à l'intérieur huit pièce d'or et un crucifix en argent.

Et c'est cet argent, " arraché à la crasse et à la débrouille " qui leur permet de rejoindre Montepuccio et d'ouvrir un bureau de tabac

A Montepuccio la vie continue et les trois frères ont des enfants. Le clan s'agrandit. Tous se serrent les uns contre les autres autour de leur nom pour se tenir chaud. Leur ami Raffaele qui aime Carmela en secret est devenu un des leurs et porte leur nom et cache son secret.

Les Scorta sont désormais quatre et son nommés par les gens du village " les taciturnes ". Le silence est leur force mais il existe entre eux un pacte, une promesse qui doit se perpétuer au cours des décennies et de génération en génération.

La promesse de parler au moins une fois dans sa vie, à leur descendance afin de raconter une chose qu'il a apprise, un souvenir, un savoir, un secret. " Parler une fois, pour ne pas être de simples bestiaux qui vivent et crèvent sous ce soleil silencieux ".


Résumé

(Afin de mieux préserver le style de l'auteur et de restituer l'originalité et la vivacité de son ton, la précision de son vocabulaire, ce texte a été conçu à partir d'extraits du roman. Ce résumé n'est qu'un fugitif aperçu du talent de Laurent Gaudé et ne prétend en aucun cas se substituer à la lecture du texte intégral qui seul rend hommage à l'écrivain ).

Il était deux heures de l'après-midi, et la terre était condamnée à brûler.

Sur un chemin de poussière, un âne avançait lentement. Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique. L'âne atteignit le sommet de ce qui semblait être la dernière colline du monde. C'est alors qu'ils virent Montepuccio.

A cette heure de l'après-midi, le village était plongé dans la mort. Luciano Mascalzone déambula dans les rues étroites du vieux village endormi.

La vieille bête s'arrêta net devant la maison des Biscotti et ne bougea plus. L'homme sauta à terre avec une étrange souplesse et frappa à la porte. Une femme d'une quarantaine d'années était devant lui. Elle l'observait comme on fixe le destin dans les yeux. Elle lui appartenait déjà. Puisque après quinze ans il était revenu et avait frappé à sa porte, peu importe ce qu'il lui demanderait, elle donnerait.

Luciano pénétra chez les Biscotti. Cela allait lui coûter la vie. Il le savait. Il savait tout cela et la certitude du malheur ne le fit pas tressaillir. Il pénétra dans la maison. Elle ne dit rien. Il la déshabilla. " Filomena… ". Il était comblé. Il faisait ce qu'il s'était juré de faire. Quinze années de prison à ne penser qu'à cela. Posséder Filomena Biscotti et mourir. Le reste, tout le reste, ne comptait pour rien.

Luciano Mascalzone ressortit de la maison de Filomena Biscotti sans avoir échangé un seul mot avec elle.

La nouvelle était née et commençait déjà à se propager, d'une maison à l'autre, de terrasse en balcon, relayée par ces vieilles bouches édentées.

Il arriva enfin à la sortie du village. Un groupe d'hommes avait surgi de nulle part et lui bloquait le chemin. Ils étaient armés de bêches et de pioches. Le visage dur. Il y eut un long silence. Soudain une pierre le heurta en plein crâne. Il tomba dans la poussière, les pieds emmêlés dans l'étrier.

Le curé venait d'accourir et il s'était interposé entre les hommes et leur proie. Les villageois l'insultaient.

Et puis il y eut cette dernière injonction qui fit trembler la terre sous son corps : " Immacolata est la dernière femme que tu violeras, fils de porc. " Derrière ses paupières fermées, son esprit chavira. Immacolata ? C'est à Filomena qu'il avait fait l'amour. Le passé ressurgit à ses yeux. Il comprit.

C'était bien à Immacolata que Luciano avait fait l'amour. Filomena Biscotti était morte d'une embolie pulmonaire peu de temps après l'arrestation de Mascalzone. Sa sœur cadette Immacolata, survécut et s'installa dans la maison familiale. Le temps passa. Et Immacolata, lentement, se mit à ressembler à sa sœur. Immacolata resta vieille fille. Rien ne lui était jamais arrivé. Lorsqu'elle ouvrit la porte, quinze ans plus tard, et qu'elle vit cet homme planté devant elle qui ne demandait rien, il lui sembla évident qu'il fallait qu'elle se plie à la force sourde du destin.

Il mourut avant que le curé du village ait fini sa prière. Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés.

Immacolata ne se remit jamais de cet accouchement. Le plus simple pour elle était encore de mourir - et c'est ce qu'elle fit, un jour sans lumière de septembre.

Don Giorgio confia l'enfant à un couple de pêcheurs d'un village voisin. Rocco Scorta Mascalzone grandit et devint un homme. Son père avait été un vaurien, lui fut un véritable brigand. Lorsque sa réputation fut assise et qu'il régna sur toute la région comme un seigneur sur son peuple, il revint à Montepuccio comme un homme qui n'avait rien à se reprocher, le visage découvert et le front haut.

Rocco avait choisi une muette pour femme et depuis le jour de son mariage, il ne toucha plus à un cheveu des habitants de Montepuccio.

Rocco fit trois enfants à la muette : Domenico, Giuseppe et Carmela. Les enfants Scorta étaient condamné à une sorte de quarantaine polie. Le seul enfant qui se mêlait à leur petit groupe s'appelait Raffaele.

Puis un jour, on frappa à la porte de l'église. Rocco regarda le vieux curé dans les yeux et, d'une voix douce mais ferme, il répondit :

- Je suis venu me confesser. Lorsque nous aurons parlé, vous et moi, je rentrerai chez moi, je m'allongerai et je mourrai.

Il raconta tout. Chacun de ses crimes. Il avait tué. Il avait pillé. Il avait pris la femme d'autrui. Il avait vécu par le feu et la terreur.

La voix de Rocco retentit à nouveau.

- Je voudrais faire un don à l'Eglise. Tout ce qui fait de moi, aujourd'hui, l'homme le plus riche de Montepuccio. En échange je demande humblement que les miens, malgré la pauvreté qui les touchera désormais, soient enterrés comme des princes. Je connais les Montepucciens.

- Ils ne respectent que l'argent. Cloue-leur le bec en enterrant les plus pauvres d'entre eux avec les honneurs dus aux seigneurs. Et que tout Montepuccio enlève son chapeau devant la procession des Mascalzone.

Les yeux de Rocco brillaient de cet éclat dément qui vous faisait croire que rien ne pouvait lui résister. Le vieux curé se signa et dit " Qu'il en soit ainsi ".

Jamais personne n'avait été enterré ainsi à Montepuccio. Tout le village était là. Pour ceux de Montepuccio la chose était claire : par le don de sa fortune, Rocco avait voulu modifier la malédiction : les siens, désormais, ne seraient plus fous, mais pauvres. Et pour tout Montepuccio, cela semblait respectable. Rocco offrait à ses enfants la possibilité d'être de bons chrétiens.

Domenico, Giuseppe et Carmela fixaient le trou dans la terre, à leurs pieds, et ils sentaient qu'ils enterraient leur vie tout entière. Ils étaient pauvres, désormais. Pauvres à en crever.

Un an à peine s'était écoulé depuis leur départ mais ils avaient vieilli. Leur visage s'était durci. Toute une vie s'était écoulée, une vie de détresse, de débrouille, et de joies inattendues. Ils entrèrent dans Montepuccio de nuit.

Raffaele venu à leur rencontre leur apprit que la muette avait succombé à une fièvre malarique.

- Je n'ai rien pu faire, murmura Raffaele. Je suis arrivé trop tard. Ils l'ont enterrée dans la fosse commune. Je n'ai rien pu faire.

L'exhumation du corps de la Muette et son second enterrement provoquèrent un séisme à Montepuccio. Don Carlo, le nouveau curé parlait de violeurs de sépulture. Don Carlo croyait se battre contre les Scorta, il se trompait. C'était avec le village tout entier qu'il faisait le bras de fer. En quelques jours l'église fut désertée.

Puis un jour, don Carlo avait été retrouvé dans les collines, nu comme un ver, la langue pendante comme un veau.

Les Scorta avaient repris leur vie misérable à Montepuccio. Ils n'avaient pas touché à ce qu'ils appelaient " l'argent de New York ". Jusqu'au jour où Carmela leur suggéra l'achat d'un bureau de tabac. Montepuccio n'en avait pas. Ils achetèrent un local sur le corso Garibaldi. Après cela il ne leur resta plus rien.

Un nouvel obstacle se présentait : le prix de la licence. Raffaele les regarda tous les trois puis leur dit avec douceur :

- L'argent je l'ai. Et je vous le donne. Je ne veux qu'une chose. Ne me demandez pas d'où il vient.

Les Scorta avaient emprunté beaucoup d'argent pour faire vivre le tabac. Mais aujourd'hui pour la première fois, le bureau de tabac était à eux.

Carmela pensait à ses frères. Ils avaient donné leur temps et leur sommeil. Demain, dimanche, elle les verrait tous. Ses frères. Ses belles-sœurs. Tous ceux qui, pour que vive le tabac, avaient donné un peu de leur force.

La famille de la femme de Raffaele possédait le trabucco. Un tas de planches et de mâts vermoulus qui avaient été entièrement restaurés. Ils étaient une quinzaine à table, et il se regardèrent un temps, surpris de constater à quel point le clan avait grandi.

Ce jour resta gravé dans la mémoire des Scorta. On discutait. On riait. Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se vide jamais. On mange dans le sud avec une sorte d'avidité goinfre. Tant qu'on peut. Comme si le pire était à venir. Comme si c'était la dernière fois qu'on mangeait. A la fin du repas, Raffaele leur dit :

- On dit que nous sommes les enfants de la Muette. Soyons-en fiers. Mais que ce silence soit pour eux, pas pour nous. Promettez-moi de parler à mes enfants. De leur raconter ce que vous avez vu. Que ce que vous avez accumulé durant votre voyage à New York ne meure pas avec vous. Promettez-moi que chacun d'entre vous racontera une chose à mes enfants. Une chose qu'il a apprise. Un souvenir. Un savoir. Faisons cela entre nous. D'oncles à neveux. De tantes à nièces. Un secret que vous avez gardé pour vous et que vous ne direz à personne d'autre.

Les Scorta acquiescèrent. Oui. Qu'il en soit ainsi. Pour ne pas être de simples bestiaux qui vivent et crèvent sous ce soleil silencieux.

Les Scorta faisaient de la contrebande. Donato, le fils de Carmela et son oncle Giuseppe prenaient la mer de nuit.

Elia, travaillait avec sa mère, au tabac. Domenico, l'aîné des Scorta, s'était pris de passion pour les oliviers et était devenu propriétaire de plusieurs hectares. Un jour de juin, Raffaele et Giuseppe le trouvèrent assis sur une chaise, les bras ballants, le chapeau à terre. Mort. Les oliviers, autour de lui, le protégeaient du soleil et l'entouraient d'un doux bruit de feuilles.

Domenico fut le premier à partir, mais Giuseppe ne lui survécut pas de beaucoup. Carmela porta le deuil de façon définitive. Lentement Carmela abandonna le tabac. Elia s'était résolu à tenir sa place derrière le comptoir mais c'est parce qu'il n'avait rien d'autre. Après quelque temps de cette vie-là, il devint étrange.

La vérité c'est qu'Elia était amoureux de Maria Carminella. La jeune fille était d'une famille riche. Elia avait le sang qui tournait dès qu'il passait devant la façade de l'hôtel quatre étoile de son père médecin.

Elia ne dormait plus. Il ne parlait plus. Il fit donc ce que font les assassins ou les désespérés. Le feu prit vite. Elia hurla comme un fou et se mit à rire. Il était plein de l'esprit des Mascalzone et il rit de ce rire de destruction et de haine que la lignée se transmettait de génération en génération.

Les habitants de Montepuccio avaient fini par maîtriser les flammes lorsque Maria Carminella était apparue. Elle était en robe de chambre blanche. Ses cheveux noirs lui tombaient sur les épaules. Elle marcha droit sur lui.

Elle lui souriait comme elle ne l'avait jamais fait auparavant et lui murmura :
- Tout est parti en fumée ?
- Tout, répondit-il.
- Qu'as-tu à offrir maintenant ?
- Rien.
- C'est bien, reprit Maria. Je suis à toi si tu veux de moi.

Le mariage eut lieu quelque semaines plus tard. Pour la première fois Elia travaillait avec bonheur. Jamais les conditions n'avaient été aussi dure. Tout était à faire. Mais quelque chose avait changé. Il n'héritait pas., il construisait. Sa vie ne lui avait jamais semblé aussi dense et précieuse.

Lorsqu'il sentit que la mort était proche, Raffaele convoqua son neveu.

-Il y a un crime que je veux confesser. Il y a bien des années j'ai tué un homme d'Eglise. J'avais une colère immense qui attendait en moi car je n'ai jamais osé demander ce que je désirais. Je n'ai jamais osé demander à ta mère d'être ma femme.

L'oncle n'attendait aucune réponse. Il avait parlé pour que les choses soient dites.

Tout le monde eut le sentiment, en voyant passer le cercueil que c'était la fin d'une époque. On enterrait le vieux monde.

La révélation de son oncle avait fait vaciller l'univers de Donato. Le monde se déversait dans sa barque. Il voyait les Albanais, les Iraniens, les Chinois, les Nigériens. Il les accompagnait d'une côte à l'autre dans un va-et-vient permanent. Il ne fut jamais intercepté par la douane italienne. Il était le plus imprenable des contrebandiers. Puis Donato finit par disparaître tout à fait et Elia dut se rendre à l'évidence : son frère avait disparu.

Une minute plus tôt, il ne se passait rien et la vie coulait, lente et paisible. Le village était rempli de touristes. Carmela était devenue l'ombre qu'elle avait pressentie. Sa mémoire l'avait quittée et son esprit avait vacillé.

Soudain un frisson fondit sur le village. Un grondement fit frémir les rues. Puis une voix hurla, une voix bientôt reprise par une dizaine d'autres " Terremoto ! Terremoto ! "

Tous se bousculait dans l'esprit de Carmela. Le passé remontait comme un magma en fusion. A l'instant où Carmela s'enfonça dans les allées du cimetière, un grand silence tomba sur Montepuccio.

Seul Elia courait d'un point à un autre, gesticulant " Ma mère, vous avez vu ma mère ? ". Le cimetière avait été traversé par la secousse et s'était affaissé comme un palais construit sur des sables mouvants. Elia sut qu'il ne reverrait jamais sa mère. La terre l'avait engloutie.

Aujourd'hui Elia était seul. La procession allait passer et sa fille n'était pas là. Si Anna était arrivée en retard c'est parce que don Salvatore l'avait amenée au vieux confessionnal. Carmela avait parlé à travers la bouche du curé. Et Anna portait désormais en elle les secrets de New York et de Raffaele. Sans qu'elle sache bien pourquoi ces secrets la rendaient forte, infiniment forte. Anna était une Scorta. Elle venait de le devenir. Les hommes, comme les olives, sous le soleil de Montepuccio étaient éternels.

Commentaires

" En Italie il y a autant de voyages que de régions. On ne fait vraiment pas le même voyage selon l'endroit où l'on va et le sud est extrêmement dépaysant. " Laurent Gaudé s'exprime ainsi en parlant de ses voyages dans la péninsule.

Marié à une femme d'origine italienne, le romancier a été conquis par les petits villages de pêcheurs qui font face à l'Adriatique et leur univers antique et ancestral l'a inspiré.

Avec une écriture simple mais efficace Laurent Gaudé nous raconte donc le sud avec ses misères, ses richesses, ses mœurs.

La terre est sèche et n'a rien a offrir. Les Scorta, comme tous les habitants de la région ont le soleil qui coule dans leurs veines, c'est lui qui embrase leurs sens et leurs âmes. La chaleur les rend fous. Condamnés à brûler, ils vivent leurs passions avec exagération. Et la sensualité des personnages, leurs appétits violents sont à la mesure de leur souffrance intérieure.

Les Scorta sont des " culs terreux au sang pur ". Leurs yeux brillent de l'éclat des pauvres bougres, leur face est ravinée par le soleil et leurs mains sont calleuses, mais leur regard est droit. Il y a chez eux la rudesse de la terre du Sud et le regard noir des hommes sans peur. Le silence est leur force et il nourrit de sentiments très forts.

Une tradition, que les Scorta ont instaurée et qu'ils perpétuent de génération en génération, veut cependant que le silence soit rompu une fois dans leur vie. " Que les choses soient dites ". Pour transmettre un souvenir, un savoir, un secret.

Les thèmes du roman évoquent tout à tour la passion, la vengeance, la fierté et la misère. Et sur la vie des personnages pèse la force du destin qui donne aux évènements le sentiment du tragique. Un châtiment antique les condamne à s'expatrier. Le rêve américain habite leurs pensées. Et le voyage des frères Scorta à New York fait penser très fort aux scènes du film d'Elia Kazan " America, America ".

Rien ne manque à ce récit : la couleur du sud, les repas copieux, les processions et la description des liens qui unissent une famille autour d'une terre.

Le pays est pauvre et l'argent inspire une sorte de respect et d'avidité. Dans le décor sauvage, seule l'évocation de l'huile d'olive, le sang de la terre, doux et généreux, qui sent la pierre et le soleil, apporte une note lénifiante.

Les femmes sont belles et fières. Carmela représente la femme du sud : c'est une mère, une louve. Elle observe la vie des hommes et veut se battre contre leurs coutumes ancestrales qui condamnent celles de son espèce à rester cloîtrées derrière les murs épais des maisons, à l'abri du soleil et de la convoitise des hommes.

Par des touches très brèves, l'histoire fait de fugaces apparitions. La montée du Nazisme, la guerre d'Espagne et l'antagonisme qui a toujours opposés les gens du sud à ceux du Nord sont évoqués.

La nature, la sensualité, une écriture nourrie au soleil du sud donnent force à ce roman lumineux.

Biographie

 

Laurent Gaudé est né le 6 juillet 1972 et vit à Paris. Après des études littéraires de lettres modernes, il prépare une thèse en études théâtrales.

En 1999 il publie sa première pièce : Combat de possédés. Sa pièce traduite en allemand est jouée à Essen. Sa seconde pièce, Onysos le furieux est publiée et montée en juin 2000 au Théâtre national de Strasbourg.

En 2001 il publie son premier roman : Cris. Avec La mort du roi Tsongor, il se voit récompensé du Prix Goncourt des lycéens 2002 et du prix des libraires en 2003.

Laurent Gaudé est marié à une femme d'origine italienne. Son roman Le soleil des Scorta, dont l'action se situe dans les Pouilles, remporte le prix Goncourt 2004 et couronne pour la première fois son éditeur Acte sud qui jusque là n'avait jamais remporté ce prestigieux prix. Le livre s'était déjà vendu à 80 000 exemplaires avant que le verdict du Goncourt ne soit rendu.

Les Pouilles

" Les Pouilles occupent l'extrémité sud-est de la péninsule italienne baignée par l'Adriatique et la mer Ionienne. L'ancienne Apulie forme le " talon de la botte ". Les cinq provinces : Bari, Brindisi, Foggia, Lecce et Tarente forment la région.

La conséquence des sols perméables et du climat sec, outre une végétation naturelle rabougrie, une grande pauvreté en eau rendent les conditions naturelles difficiles. Les fleuves sont rares et irréguliers, et les sources insuffisantes.

La population connaît depuis longtemps une forte tradition d'émigration. Grâce à une forte natalité et une faible mortalité, le croît naturel est sensible. Mais la région a perdu 385 000 habitants par mouvement migratoire vers les villes du Nord ou de Rome.

Cela tempère la montée de la population totale et réduit la menace du sous-emploi dans une région où l'économie n'est pas encore en mesure d'absorber tous les excédents de population rurale.

Les Pouilles restent d'abord une région d'économie rurale. La région produit 17% du vin italien et occupent le premier rang italien pour la production d'olives et d'huile. Les cultures de tabac, d'agrumes et la pêche constituent le revenu des habitants du pays.

Le tourisme se développe ; la visite des pittoresques bourgs ruraux de la région des trulli est renommée.

Mais le Mezzogiorno (nom donné aux régions continentales et insulaires de l'Italie du Sud) est une " région-problème " dont l'unité provient d'une situation de sous-développement.

En vingt ans; le revenu et le produit brut du Midi ont augmenté, mais sans pouvoir combler l'écart qui les sépare des valeurs atteintes dans le Nord.

L'influence des facteurs humains et le haut degré d'analphabétisme a également été avancée. Mais la véritable explication du sous-développement est d'ordre historique. Le Midi a été des siècles durant soumis à des dominations étrangères. La naissance de l'antagonisme entre le Nord et le Midi a lieu au moment de l'unité italienne.

Le nouvel état est l'œuvre des gens du Nord, dotés d'un complexe de supériorité à l'égard du Midi et qui, maintes fois, ont à son égard des comportements " quasi colonialistes ". La réaction est violente, littéraire, politique et populaire (avec le brigandage). Le Midi ne trouve de remèdes que dans une émigration massive. La fascisme nia purement et simplement la question méridionale, considérant ces régions comme un réservoir de main-d'œuvre et un débouché pour les industries septentrionales.

Après la Seconde Guerre mondiale, la solution du problème du Mezzogiorno devient un objectif prioritaire national. Le " pôle industriel " des Pouilles, s'il n'a pas vraiment encore réussi une intégration des activités industrielle, présente des réalisations importantes. A Bari, l'industrie de transformation domine. Brindisi est le domaine de la chimie lourde avec le grand établissement de la Montedison. Tarente est avant tout un des grands centres sidérurgiques italiens.

Le Mezzogiorno semble donc bien être à un tournant de son évolution. Les firmes privées les plus importantes (Montedison, Fiat, Olivetti, Pirelli) orientent aussi la plupart de leurs investissements vers le Midi. Le Midi n'a pas rattrapé le Nord, mais il n'est plus un lieu de misère sans issue.

Cela se marque dans le paysage, dans l'abandon de certaines attitudes archaïques, par le fait que les migrations sont perçues aujourd'hui comme une perte pour l'économie régionale. D'énormes efforts sont encore nécessaires ; i

ls peuvent être consentis, car l'espoir de la solution est devenu réalité. "

Bibliographie : E.D. Extraits de La Grande Encyclopédie Larousse

Le site a pour vocation de promouvoir la lecture. C'est pourquoi mes résumés de livres, mes biographies sont faites à partir d'extraits des ouvrages même que j'ai consultés et proposés à la lecture. Afin de mieux préserver le style de l'auteur et le mettre en évidence, je n'ai entrepris aucune réécriture. Internet fonctionnant un peu comme une immense bibliothèque mondiale, les ouvrages que j'ai trouvés dignes de lecture y sont donc proposés. J'espère que les auteurs n'y verront aucun inconvénient car ma véritable intention est de mieux les faire connaître du grand public. R.D.

 

 

 

 

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