Marie
Noël
Quand il est entré dans mon logis clos,
J'ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L'hiver dans les doigts, l'ombre sur le dos
Sais-je depuis quand j'étais là sans être
?
Et
je cousais, je cousais, je cousais
- Mon cur, qu'est-ce-que tu faisais ?
Il
m'a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs dans la salle,
Qu'ils semblaient - si gais, si légers, si doux, -
Deux petits oiseaux caressant la dalle.
De-ci,
de-là, j'allais, j'allais
- Mon cur, qu'est-ce que tu voulais ?
Il
m'a demandé du beurre, du pain,
- Ma main en l'ouvrant caressait la huche -
Du cidre nouveau, j'allais, et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux
fois, dix fois, vingt fois je les touchais
- Mon cur, qu'est-ce que tu cherchais ?
Il
m'a fait sur tout trente-six pourquois.
J'ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid et du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres
Et
je causais, je causais, je causais
- Mon cur, qu'est-ce que tu disais ?
Quand
il est parti, pour finir l'ourlet
Que j'avais laissé, je me suis assise
L'aiguille chantait, l'aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise
Et
je cousais, je cousais, je cousais
-Mon cur, qu'est-ce que tu faisais ?
(les
Chansons et les jours)