|   Synopsis 
                  Maria 
                vit à l'hôtel d'York entourée avec sa petite fille Mathilde qu'elle 
                a élevée. Sa fille légitime Catherine, épouse de Pierre Joseph 
                Arson, vit avec son fils Gonzague dans leur propriété à la villa 
                Arson sur les hauteurs de Saint Barthélemy.  Son 
                fils illégitime, Giovanni, a fui Nice et s'est réfugié à la Nouvelle 
                Orléans. Giovanni et sa demi-sœur Catherine, ignorants leurs liens 
                de parenté, se sont aimés autrefois d'un amour fou et platonique. 
                Catherine n'a jamais rien su de lui, elle ne l'a pas oublié et 
                continue de l'aimer en rêve. Seul Giovanni sait et il est parti 
                pour fuir cet amour impossible. Entre temps Catherine s'est mariée 
                au banquier Pierre-Joseph Arson dont elle a eu Mathilde et Gonzague. 
                 Quant 
                à Giovanni il a rencontré à la Nouvelle Orléans, Jemina, une jeune 
                créole d'une très grande beauté, fragile et capricieuse.  
                Maria Tordo, la grand-mère fût l'héroïne des deux premiers tomes. 
                Elle représente la femme méditerranéenne, éternelle, ancrée dans 
                la terre du Comté. Maria a eu une vie aventureuse, elle a été 
                au côté de Bonaparte lors des campagnes d'Italie. Jeune femme 
                déterminée au tempérament de feu, elle a aimé plusieurs hommes 
                : Benjamin, le jeune Anglais disciple de Rousseau, le colonel 
                Masséna, le peintre Fragonard, sans oublier Martial Hureau, le 
                capitaine et homme des missions secrètes.  Maria 
                a enfin épousé Vincent Arson, propriétaire de l'hôtel 
                d'York, père de sa fille Catherine.  
                Lorsque Garibaldi revient à Nice, après des années d'absence, 
                Mathilde le rencontre à l'hôtel d'York et s'éprend de cet homme 
                de 40 ans. Mathilde la romantique aime Garibaldi l'utopiste, le 
                révolutionnaire humaniste.  Une 
                fois Garibaldi parti, Mathilde part à sa recherche, parcourt l'Italie 
                et le retrouve enfin à Rome lors des combats entre les garibaldiens 
                et les Français placés sous le commandement du général Oudinot. 
                 Garibaldi 
                aime Anita, sa femme qui le suit partout. Mathilde souffre de 
                jalousie. Obligés de fuir les Autrichiens, Garibaldi et sa troupe 
                se réfugient dans les roseaux, Anita enceinte, mourra tragiquement 
                au cours de cet exode.  Maria 
                a suivi sa petite-fille sur les routes de l'Italie à sa recherche. 
                Lorsqu'elle apprend qu'elle est prisonnière des Autrichiens, elle 
                implore le général Oudinot d'intervenir en sa faveur. Le violoniste 
                virtuose Monzone sollicite la grâce de Mathilde auprès du Prince 
                Général autrichien qui est mélomane. Monzone obtient la libération 
                de Mathilde qui épouse son sauveur. La société, sa mère, Maria 
                elle-même l'ont poussée à accepter ce mariage, mais Mathilde aime 
                toujours Garibaldi et se refuse à son mari.  
                Entre temps Giovanni est revenu à Nice en compagnie de sa femme 
                Jemina. Gonzague (qui ne sait pas que Giovanni est son oncle) 
                s'éprend de Jemina et l'enlève lors d'un bal donné en l'honneur 
                de Garibaldi. Giovanni, meurtri dans son amour propre se suicide. 
                Maria ne se remettra jamais tout à fait de cette mort dont elle 
                se sent quelque part un peu responsable.   
                Mathilde vit deux mois de félicité aux côtés de Garibaldi, mais 
                celui-ci s'ennuie et bientôt embarque pour Londres où l'attend 
                un cutter étincelant et sa nouvelle fiancée Emma Robert.  Bientôt 
                Gonzague s'aperçoit que Jemina n'est qu'une jeune femme frivole 
                et légère, déçu dans son amour il se réfugie dans le travail et 
                fonde le journal la Gazette de Nice. Mathilde collabore au journal 
                et surtout écrit sur Garibaldi qui combat pour l'unité de l'Italie. 
                Garibaldi est celui à qui elle donne naissance dans le labeur, 
                jusqu'à l'épuisement.  Maria 
                mourra un soir d'été, avant de s'éteindre elle confiera à Mathilde 
                une lettre de Giovanni où celui-ci confesse à sa mère les raisons 
                de son suicide. Résumé Mathilde 
                aimait la douce rumeur de la librairie Visconti où elle trouvait 
                les journaux et les revues de l'Europe entière. Cette Europe qui 
                enfin bougeait, sortait du long sommeil de l'absolutisme.  Le 
                Romantisme, le Risorgimento… ;les mots adorés, les mots qui font 
                frémir, qui ouvrent la porte des rêves. Hugo, Vigny, Musset, Lamartine, 
                elle les lisait à la lueur secrète et frissonnante d'une bougie. 
                 Sa 
                grand-mère Marie, qui l'avait élevée, avait fait de Mathilde une 
                sauvageonne lettrée. Fille d'une hôtelière et d'un banquier épais, 
                à 18 ans, Mathilde Arson n'avait rien d'une bourgeoise.  Ce 
                jour là elle pénétra dans la grande salle de l'Hôtel d'York où 
                l'on attendait avec espoir l'invité d'honneur de cette soirée 
                de 1848, l'enfant du port, l'homme à la chemise rouge, Giuseppe 
                Garibaldi.  Mathilde 
                avait hâte de connaître cet homme dont les journaux racontaient 
                les exploits là-bas, en Amérique du Sud, ce héros de la liberté 
                brandissant sans cesse les idéaux d'indépendance et de liberté. 
                Garibaldi le condamné à mort de 1834, le républicain, le socialiste, 
                le conspirateur, l'aventurier.  Soudain, 
                il fut là, sans que personne l'ait vu venir. Il était entouré 
                de quelques-uns un de ses légionnaires. Ils portaient le pantalon 
                blanc, la chemise rouge à parements verts. Marchant devant le 
                général, un homme brandissait l'étendard de la légion garibaldienne, 
                noir, avec en son milieu un volcan en flammes. De cet homme se 
                dégageaient de la force et de la douleur, étrange mélange de puissance 
                et de souffrance, du fer lézardé de failles inattendues. Il était 
                là, sous ses yeux, cet homme de quarante ans, beau comme un prince 
                de la Renaissance, vaillant comme un paysan derrière une charrue 
                ou tirant un âne, dans les escarpements d'un chemin de campagne. 
                Elle perçut son regard, jeune et flamboyant comme celui des chevaliers 
                partant pour les croisades.  
                Des cris, des chants se firent entendre. Ils étaient 67 volontaires 
                à vouloir suivre Garibaldi en Lombardie, au bout du monde s'il 
                le fallait. En tête ; Gonzague, le jeune frère de Mathilde. Bravache, 
                il était tout le contraire de son aînée, cultivant l'insolence, 
                il affichait l'allure d'un jeune dandy. Il y avait chez lui la 
                mélancolie à la Musset et la bravoure folle à la Byron.  
                Lorsque Garibaldi lui avait proposé de visiter son navire, La 
                Speranza, ancré au large de Villefranche, Mathilde avait osé lui 
                avouer qu'elle l'aimait. A partir de cette déclaration elle ne 
                contrôla plus rien. Il l'accueillit sans un geste, sans fuir non 
                plus. Elle était la petite fille que trop de tourments ont épuisée 
                et qui s'endort près de l'âtre.  
                Ce soir là Mathilde est parvenue au Vallon du Magnan où s'étendent 
                des mûriers et leurs cocons de vers à soie. Il fait nuit, elle 
                vient ainsi chaque soir observer et s'imprégner de la vue de l'épouse 
                de Garibaldi, Anita. A quoi peut ressembler la femme que le général 
                a aimée ? Brune, avec une démarche de matrone, sa large bouche 
                couleur de cerise, ses lèvres goulue, son menton volontaire et 
                sa voix de jungle mêlant l'espagnol, le français et l'italien, 
                une voix qui tient en laisse ses trois enfants, oh, comme cette 
                Anita, effervescente, loquace, souffleuse de vent, lui ressemble 
                peu !  Le 
                comte Eugène Spitalieri de Cessole organisait chaque année des 
                soirées musicales. Les invités, se pressaient dans le grand salon 
                où conservateurs et libéraux se côtoyaient. Au programme de ce 
                soir un compositeur inconnu : Mozart. André Monzone, un garçon 
                de la bonne société de Turin qui ressemblait à un employé aux 
                écritures, fit vibrer son instrument. Des douceurs et des caresses 
                succédaient aux stridences de viol et de douleur. Un nouveau Paganini 
                était né.  Durant 
                toute la soirée Catherine avait observé sa fille. De voir Mathilde 
                vivre une passion inespérée, ravivait sa plaie. Elle pensait à 
                Giovanni. Ce bel italien mystérieux qui avait flatté ses vingt 
                ans y laissant une marque indélébile avait disparu aussi brusquement 
                qu'il était apparu, sans rien livrer de son secret. Maintenant 
                elle était au déclin de sa jeunesse et Catherine ne pouvait s'empêcher 
                de ressentir un frisson venu de loin, de très loin, un frisson 
                d'injustice.  Garibaldi 
                était à nouveau en ville. La malaria s'était emparée de lui, Anita 
                le soignait. Mathilde lui rendit visite. Ses yeux noirs flamboyaient, 
                il y avait dans le sillon lumineux de ce regard une certitude, 
                une foi, une conviction que rien au monde n'aurait pu ébranler. 
                Garibaldi réalisait que cette femme lui faisait peur, avec elle 
                il se trouvait dans un domaine inconnu, une terre ensorcelée, 
                quelque chose de magiquement incompréhensible. Il lui expliqua 
                qu'à Livourne, en Toscane, en Sicile, à Rome la révolte continuait 
                de gronder. Qu'il devait se mettre au service de la révolution 
                et de la nation italienne. Que son devoir etait là. Où trouver 
                la place pour l'amour dans le courant de ce que doit être sa vie 
                maintenant ?  Une 
                fois Garibaldi parti, Mathilde écrivit une lettre à sa mère " 
                Je pars. J'ai loué un landau, deux chevaux et les services d'un 
                cocher piémontais. Je pars pour cette Italie qui se construit 
                chaque jour, un peu plus. Je pars au pays de l'amour, pour le 
                rencontrer, le connaître et le vivre. J'entre en rébellion. Le 
                peuple en moi s'est révolté, la partie étouffée, contrainte de 
                mon être, cette partie invisible, rampante, muselée. Et tout cela 
                pour un homme ! Certains hommes sont porteurs d'une partie de 
                la grandeur de l'humanité. "  
                Depuis son départ de Nice, Mathilde marchait sur les traces du 
                Général. De Gênes à Livourne, de Bologne à Ravenne, elle le cherchait. 
                Lorsqu'elle arrivait, elle apprenait qu'il était parti. Elle avait 
                traversé les pluies d'automne, elle avait couché dans les granges, 
                mendié un peu de lait chaud lorsqu'un jour tout s'écroula, la 
                volonté, la fierté, les certitudes, la passion même.  A 
                Rome elle fut réveillée au son du canon. Les Français, le peuple 
                qu'elle aimait le plus au monde, se battaient sur la colline virgilienne. 
                Garibaldi et sa légion attaquaient. " Vive l'Italie ", criaient 
                les garibaldiens. " Vive la République ", rétorquaient les hommes 
                d'Oudinot qui se battaient pour la défense de cette République 
                romaine, tombée aux mains d'aventuriers rebelles.  
                Mathilde se fit infirmière lorsqu'un jour la chance lui permit 
                enfin de retrouver son Général blessé. Depuis des jours, elle 
                veille, attentive, consolatrice, elle ne demande rien, n'exige 
                rien, elle est là. Puis un jours, à midi, un courrier apporte 
                la nouvelle, la femme du général, Anita, a quitté Nice pour rejoindre 
                son mari. Elle est enceinte de six mois.  
                Partout le peuple acclamait Garibaldi et aimait Anita, le courage 
                d'Anita, sa présence aux côtés du Général. On la célébrait, Mathilde 
                en souffrait.  
                Puis les Français les harcelèrent, ils voulaient voir déguerpir 
                les garibaldiens des Etats pontificaux. San Marino offrit une 
                halte provisoire aux fuyards qui maintenant avancent à travers 
                la campagne en direction de la mer. Anita exténuée agonise, toute 
                la petite troupe sait qu'elle va bientôt mourir. Les Autrichiens 
                sont là, ils arrivent dans un gros brigantin, la gueule des canons 
                braquée sur eux. Giuseppe se réfugie dans les roseaux, Anita appuyée 
                à son flanc. Sa respiration n'est plus qu'un faible râle. Giuseppe 
                hurle, sa femme se meurt et il faut partir. Le lendemain on creuse 
                un trou avec les mains et une pelle trop petite et on y fait descendre 
                celle qui fut l'épouse du héros des deux mondes.  Maria 
                avait suivi Mathilde sur les routes de l'Italie à sa recherche. 
                A Rome elle décida de rendre visite au Général Oudinot car elle 
                était convaincue qu'il ne pourrait refuser de recevoir l'ancienne 
                maîtresse de Masséna. Le général lui promit de faire de son mieux. 
                L'intuition de Maria ne fut pas déçue. Un matin elle reçut l'invitation 
                au concert d'André Monzone au Palais du Quirinal. Oudinot l'attendait. 
                " J'ai retrouvé votre petite-fille. Elle se trouve dans une forteresse 
                à Bologne sous la responsabilité des Autrichiens. Elle s'est fourrée 
                dans un guêpier infernal. Elle a été jugée et condamnée à être 
                fusillée. Fort heureusement le Prince Général est mélomane et 
                André Monzone est prêt à solliciter la grâce de votre enfant. 
                "  
                Le violoniste virtuose qui lui a sauvé la vie a demandé Mathilde 
                en mariage. La société, sa mère, Maria elle-même l'ont mariée 
                avec son sauver, mais cet homme qui dit l'aimer ne peut la posséder. 
                Mathilde s'y refuse. Aurait-elle parcouru les routes, bravé la 
                guerre et la mort pour un homme pour aussitôt s'abandonner à un 
                autre ? Grâce à Dieu le virtuose voyage, Mathilde a fermement 
                refusé de le suivre, prétextant la pérennité des maux féminins. 
                Après bien d'années d'errance à travers les villes du monde, Monzone, 
                atteint de phtisie viendra mourir auprès de sa femme qui le soignera 
                avec compassion.  Giovanni 
                avait fui Nice, l'Europe, pour échapper au poids de la religion, 
                à cette contrainte qui l'avait fait refuser la transgression d'un 
                amour avec Catherine, sa demi-sœur. Aujourd'hui il revenait au 
                pays avec sa jeune femme Jemina qu'il avait rencontrée à la Nouvelle-Orléans. 
                Maria l'attendait. Beau, le visage cuivré, les tempes argentées, 
                son fils, cet homme plein, à la carrure déployée, dans la force 
                de l'âge. Leurs yeux disaient tout. Ils se retrouvaient, blanchis, 
                meurtris, inchangés pourtant.  Gonzague 
                plaisait aux femmes. L'œil charbonneux, le timbre de voix un peu 
                emphatique, le geste théâtral, le regard fiévreux, il ressemblait 
                à un dandy. La vision de Jemina dans le salon de l'hôtel Chauvain, 
                au bras d'un mari plus âgé qu'elle, avait éveillé sa curiosité. 
                Cette créole aux lèvres cerise avait occupé son esprit. Un jour 
                il la chercha, la suivit et l'aborda chez le libraire Visconti. 
                Le lendemain ils se retrouvèrent et prirent l'habitude de se rencontrer 
                parmi les ruines de la colline du Château. Pendant 
                ce temps Giovanni arpentait les vignobles, passait ses journées 
                dans les collines autour de Nice, parlait avec les paysans. De 
                ces rencontres était née sa passion pour les produits de la terre. 
                Puis l'idée lui était venue de créer une plantation d'œillets 
                américains. Jemina accompagnait parfois Giovanni dans la propriété 
                en chantier. Elle s'asseyait à l'ombre d'un tilleul, lisait un 
                livre d'Alexandre Dumas en boudant. Elle aimait Gonzague, ce presque 
                inconnu, ce jeune homme au visage de gravure romantique.  A 
                la mort du banquier Pierre Joseph Arson, son père, Gonzague avait 
                endossé la responsabilité du notable, il marchait plus raide, 
                il vérifiait dans les miroirs qu'il ressemblait bien à quelqu'un 
                d'important. Soudain il s'était senti honteux de cette liaison 
                avec une femme mariée à un homme charmant, un époux attentionné. 
                Et cependant il savait qu'il la lui fallait, qu'il l'enlèverait, 
                qu'elle deviendrait la nouvelle Mme Arson et que tout serait dit.  
                Un jour Garibaldi fut une fois de plus de retour. Au bal donné 
                en son honneur dans les salons de la villa des Arson, Jemina et 
                Gonzague se retrouvèrent. Ce soir là Giovanni comprit, il aurait 
                fallu être aveugle pour ne pas s'apercevoir des liens qui existaient 
                entre ces deux jeunes gens. Il revit aussi Catherine, sa demi-sœur. 
                Celle-ci ne l'avait jamais oublié, n'avait pas oublié son seul 
                amour, son malheureux amour. Maria n'avait jamais révélé à sa 
                fille qui il était. Giovanni était le seul à connaître les liens 
                de parenté qui les unissaient.  
                Pour Mathilde ce furent deux mois de félicité à côté de Giuseppe. 
                Vif, fulgurant, presque brutal, il ne l'aime que dans la précipitation, 
                la hâte. Il évoque l'île qu'il veut acheter, une île perdue, il 
                vivra là-bas avec des ânes, des mules, des poules, il se moquera 
                de la marche du monde, de la médiocrité et de la lâcheté des hommes. 
                Déjà la lassitude pointait chez Giuseppe, il ne prenait pas la 
                peine de la dissimuler. Il se sentait prisonnier d'une prison 
                où les barreaux étaient constitués de répétitions et d'ennui. 
                L'aventure lui manquait.  
                Bientôt il partira pour Gênes et de là embarquera pour Londres 
                où l'attend un cutter étincelant qu'il baptisera Emma en hommage 
                à sa riche donatrice Lady Emma Robert, sa fiancée. Plus tard ayant 
                rompu avec elle il reviendra à Nice accompagné d'une américaine 
                nommée Jessie Wite.  Maria, 
                depuis l'enlèvement de Jemina s'est enfermée dans un silence de 
                mort d'où elle ne sortira qu'à la mort de Giovanni. Son fils avant 
                de mettre fin à ses jours lui a adressé une lettre où il l'exhorte 
                à sortir de son silence et lui donne les raisons de son acte désespéré. 
                Une femme, Jemina en est la cause.   
                Bientôt Gonzague s'aperçoit qu'il ne reste que peu de chose de 
                sa furie amoureuse. Lorsqu'il considère raisonnablement Jemina, 
                elle lui paraît tel un oiseau, une sorte de colibri fragile et 
                capricieux. Désormais le journal qu'il a fondé, La Gazette de 
                Nice, est devenu le centre de sa vie. Mathilde collabore au journal, 
                des chroniques, de préférence consacrées à la poésie et aux nouveautés 
                littéraires et surtout elle écrit sur Garibaldi. Parfois l'image 
                se brouille, bascule du côté du héros ou sombre dans les méandres 
                d'un homme incertain. Dans sa solitude, Garibaldi est celui à 
                qui elle donne naissance dans le labeur, jusqu'à l'épuisement. 
                 A 
                la fin de 1860 le traité d'annexion de Nice à la France est voté 
                par le parlement de Turin. Et tandis que la ville s'enfonce dans 
                la France, Garibaldi s'enfonce dans la Sicile à la tête de mille 
                hommes. Garibaldi ne fait plus qu'un avec son rêve, le monde entier 
                voit en lui le héros moderne, le libérateur des opprimés, le père 
                de cette nation italienne dont il a pétri la pâte avec tant de 
                foi et de persévérance.  Commentaires 
                  C'est 
                autour de Garibaldi que se tisse l'épopée du héros des deux mondes. 
                Le héros revient en terre natale après avoir mené la vie d'un 
                véritable Che Guevara en Amérique du Sud où il s'est réfugié après 
                sa condamnation à mort à Gênes en 1834. L'homme à la chemise rouge, 
                révolutionnaire humaniste, contestataire, habité par un idéal 
                universel, est évidemment l'homme idéal pour le projet dont on 
                parle, la réunification de l'Italie. En cette année 1848 où l'Europe 
                est en ébullition, Giuseppe Garibaldi revient donc dans sa ville 
                natale où une réception est donnée en son honneur en l'hôtel d'York 
                près de l'actuelle place du palais de justice appelée alors Place 
                Saint Dominique. Tous les notables et intellectuels sont là, on 
                veut le voir, on veut l'entendre. La fougue utopique de Garibaldi 
                enthousiasme les foules. Dans l'assistance, des personnages forts, 
                nés de l'imagination de Raoul Mille comme Mathilde ou Marie, tellement 
                crédibles que la question se pose tout naturellement : mais n'ont-ils 
                pas réellement vécu ?; et d'autres tout à fait réels dont les 
                noms figurent aujourd'hui sur quelques plaques des rues de Nice, 
                tels Carlone, François Guisol, ou encore Arson….Garibaldi retrouve 
                la langue de son enfance, et en profite pour rencontrer tous ceux 
                qui veulent s'engager sous sa bannière pour cette Italie nouvelle. 
                 Le 
                héros des deux mondes est une fresque historique, 
                un roman populaire. C'est en même temps un tableau de Nice au 
                début du XIXe siècle. Un récit où l'on se promène dans les rues 
                et l'histoire, où l'on côtoie les grands hommes qui ont fait cette 
                ville, au premier rang desquels : Garibaldi.  
                En arrière plan donc, la vie de Nice et des niçois à cette époque. 
                Erudition et imagination se relient tout au long de ce roman qui 
                nous offre le portrait d'une société, d'une actualité politique 
                des ces années 1848-1855 qui est très riche en événements.  
                En ce temps là les conservateurs et les libéraux défendent leurs 
                idées qui sont bien partagées. Il y a ceux qui perçoivent le souffle 
                des idées nouvelles et ceux qui les refusent. Au sujet de Garibaldi 
                les opinions aussi sont différentes. Du côté des curés et de leurs 
                amis, on pense que c'est un dangereux aventurier, un franc-maçon 
                sans foi ni Dieu, du côté des bourgeois on ne se prononce pas, 
                on attend.  
                Les libéraux sont de tout cœur avec lui. Le peuple l'ignore, sauf 
                les habitants du port et quelques marins qui se souviennent de 
                lui.  La 
                société est divisée en des clans bien distincts. D'un côté les 
                nobles comme le comte De Cessole, les Falicon, les Tonduti, les 
                Trinchieri, vieilles familles qui ont servi la Maison de Savoie, 
                conclu des mariages avec la noblesse d'Espagne, de France, de 
                Sicile, de Sardaigne.  
                De l'autre côté, les Carlone, les Juge, les Avigdor, les Arson 
                ont le poids de l'argent. Tous ont survécu à l'invasion française, 
                à la Révolution, à l'Empire, à Napoléon, et sont revenus à la 
                tête des affaires.  
                En 1848 on note la présence des garibaldiens qui vont se battre 
                contre les Autrichiens, pour la Lombardie, pour l'unité de l'Italie, 
                pour qu'elle ne soit plus un vœu pieux sur des chiffons de papiers, 
                mais un pays, une nation, un peuple. Des déserteurs de l'armée, 
                évadés des prisons, vieux carbonari fuyant la poigne de fer des 
                Autrichiens, libéraux abasourdis par la folle répression de Ferdinand 
                de Sicile qui s'offre dans le sang le rêve d'un pouvoir grandiose. 
                A ces rebelles, à ces opprimés, se mêlent les utopistes, les mystiques. 
                Aux illuminés viennent se joindre les aventuriers, cortège hirsute, 
                haillonneux.  Les 
                paysans craignent pour leur bétail, regardent avec terreur cette 
                bande de débraillés qui ressemblent plus à des bandits de grand 
                chemin qu'à des militaires. Au seul nom du général, les vieilles 
                se signent plusieurs fois en embrassant la médaille qui pend à 
                leur cou.  La 
                presse, elle aussi est partagée, L'avenir de Nice, le quotidien 
                de Carlone, porteur de certitudes se tourne vers la France. La 
                Gazette, tenue par Gonzague Arson reste fidèle à une tradition, 
                à un terroir. Article après article La Gazette défend des idées 
                d'indépendance, une indépendance républicaine, démocratique capable 
                de défendre la mémoire de Nice, son âme, sa langue. Dans les rues 
                de la cité on a vu se succéder les soldats français, puis ceux 
                du royaume du Piémont. A chaque fois on a vu surgir un monde nouveau 
                mais aussi résister l'âme niçoise. Déjà dans " Le paradis des 
                tempêtes " Raoul Mille écrivait " ….nous autres du Comté, nous 
                avons à préserver notre caractère, nos coutumes. Pour la bonne 
                raison que nous sommes à l'abri du reste du monde…Je préfère la 
                servitude entre nous que la liberté octroyée par des français…). 
                 Déchirée 
                entre la France et l'Italie, Nice est une ville qui cherche son 
                identité. Théâtre de l'agitation et de l'inconstance, creuset 
                d'intrigues, de passions contrariées Nice est une passerelle fragile 
                entre deux mondes. Conteur neutre, Raoul Mille relate la lutte 
                des classes qui opposait la population à ce moment de l'histoire 
                de ce pays et nous brosse l'esquisse d'une société diversifiée 
                et antagoniste. Au moment de son annexion à la France, dont elle 
                était assez éloignée du point de vue culturel, ses habitants ont 
                eu à choisir entre deux nations. Et les raisons du glissement 
                de l'opinion vers la France semblent dues à d'anciennes relations 
                entre Nice et la France, à des intérêts économiques de la cité, 
                négligés par un royaume sarde dont le centre de gravité se déplaçait 
                vers l'Italie centrale.  
                Il faut savoir que la plus grande partie de la production d'huile 
                d'olive était vendue à la France. Il en était de même pour les 
                oranges, pour les citrons. Nice vendait à la France et lui achetait 
                les meubles, les tissus, les bougies, les allumettes.  Victor 
                Emmanuel avait réduit à rien le port de Nice, préférant transférer 
                l'arsenal de Villefranche à la Spezia, à côté de Gênes, et un 
                chemin de fer était d'ailleurs en construction entre Turin et 
                Gênes, tandis que pour Nice il n'y avait aucun projet, ni route, 
                ni chemin de fer. La France semblait servir les intérêts économiques. 
                De plus chaque Niçois sent au moment du référendum que le sort 
                de la ville est, quel que soit le choix personnel qui va faire, 
                déjà tranché.  En 
                effet une convention secrète entre Cavour et Napoléon III, avait 
                décidé la cession de Nice et la Savoie à la France sous réserve 
                du vote des habitants). Autant alors, puisque c'est le sentiment 
                et l'intérêt général, entériner ce que les Etats ont décidé.  A 
                partir de l'histoire dans son authenticité Raoul Mille a surtout 
                écrit un roman d'amour dans lequel tous les personnages vivent 
                un rêve secret. En premier plan une héroïne, Mathilde, une romantique 
                animée par son amour pour Garibaldi et attirée par ses utopies. 
                Et Mille va suivre ce héros jusqu'en Italie, contant les séquences 
                d'un parcours mouvementé peuplé de grandes heures, d'actions désespérées, 
                de drames, et d'espoirs qui renaissent sans fin. Si le cadre donc 
                est historique, Raoul Mille nous parle de choses permanentes, 
                de sentiments humains et éternels  
                Dans ce troisième et dernier tome de la saga " Le paradis des 
                tempêtes ", nous retrouvons, Maria, Catherine, Giovanni, personnages 
                attachants qui nous avaient déjà émus dans les tomes précédents. 
                 Il 
                y a Maria, grand-mère de Mathilde qui a été cantinière de l'Empereur 
                Bonaparte. Maria " inchangée, incorruptible au temps ", l'ancienne 
                amoureuse aux amants si dissemblables, riche de ses rencontres. 
                Maria Tordo la fille du peuple au caractère trempé qui avait appris 
                dans sa jeunesse les bonheurs de la lecture avec Benjamin, l'Anglais, 
                disciple de Rousseau et des Encyclopédistes ; avait appris à combattre 
                avec Masséna, le rustre au vigoureux tempérament, le " fils de 
                marchand de vermicelle " qui deviendra général. Sans oublier le 
                peintre Fragonard, l'artiste cloître dans sa maison à Grasse. 
                Giovanni et Catherine, ses enfants, nés de deux relations différentes, 
                enfants amoureux l'un de l'autre, ignorants de leurs liens de 
                parenté.  
                Les enfants perdus de l'empereur, 
                Le Paradis des tempêtes (prix Baie-des-Anges) nous 
                avaient raconté ces personnages de l'histoire dont la dimension 
                n'a d'égale que leur surprenante complexité, personnages qui ont 
                foulé un jour le sol de la Riviera.  L'histoire 
                du Comté de Nice se prête aux fresques littéraires. Ville en proie 
                aux bouleversements, ville majestueuse et souveraine, ville de 
                brassages, creuset d'intrigues et de conspirations, Nice est une 
                ville tourmentée qui ne se rallie jamais vraiment. Les grands 
                vents de l'histoire l'ont traversée, mais la vie a toujours été 
                la plus forte et ses habitants n'ont été que plus riches de toutes 
                ses influences diverses.   
                Depuis longtemps une relation mystérieuse s'est instaurée entre 
                l'écrivain et le lieu et ce roman a fourni à Raoul Mille un prétexte 
                pour conter un pays, ses parfums, sa sensualité, sa beauté sauvage, 
                le feu de sa vie. Tel un peintre, Raoul Mille dépeint la beauté 
                du lieu en ajoutant de la couleur dans les mots.  Et 
                c'est ainsi que l'ancienne librairie Visconti, les lavandières 
                du paillon, une recette de cardons, le bonheur d'une polenta, 
                le fracas des vagues donnent vie à des images, venues d'un autre 
                temps et qui cependant nous semblent familières.  
                Extrait  
                " C'était jour de lessive, dans le soleil pétillant du matin, 
                le linge se déployait sur la roche et les gravillons du Paillon. 
                Elles étaient déjà des centaines à frotter, à essorer, à étendre, 
                toutes à genoux, leur panier à côté d'elles. De cette foule de 
                femmes s'élevaient des brusques assauts de vie sauvage, sous le 
                fichu jaune ou rouge. Leurs jupons, étalés à perte de vue, formaient 
                une immense corolle mouvante. Les " bugadières ". Gonzague se 
                régalait du spectacle, ce qui le fascinait chaque fois, c'était 
                la mer de mousse qui montait à l'assaut de la moindre pièce d'eau, 
                des plus petits ruisselets, la mousse salvatrice qui emportait 
                à la mer, au large, à l'oubli, la crasse de la cité. Ici, on rendait 
                leurs couleurs et leur propreté aux linges des hôtels, ici, les 
                draps anglais prenaient un coup de soleil, une vapeur immaculée 
                les berçait au grès du vent, ils retrouvaient une jeunesse, une 
                flamme depuis longtemps oubliée, ils respiraient, ils jouaient, 
                gamins espiègles, loin des ténèbres puritaines, ils se livraient 
                à la barbarie méditerranéenne, à l'errance d'un monde sans entraves.  
                Ployées, les bras plongés dans le courant, le genou reposant sur 
                un carré de tissu, les bugadières riaient, chantaient, s'interpellaient, 
                et leur joie se répandait au-dessus des toits telle une musique 
                d'oiseaux moqueurs. "  Biographie Passionné, 
                fidèle et clairvoyant, Raoul Mille c'est d'abord une image, celle 
                d'un fastueux physique que souligne une majestueuse crinière. 
                Des lunettes épaisses et une pipe marquent l'intellectuel débonnaire, 
                l'ample écharpe rouge et la Vespa signalent le côté libertaire. 
                Il est souvent là où il faut se trouver : dans les salles obscures, 
                au festival du jazz, dans les bonnes librairies, aux meilleures 
                tables, dans les bistrots qui s'attardent, dans le tourbillon 
                de la rue, avec les hommes et les femmes qui font Nice, le cinéma 
                et la littérature.  
                Et pourtant cet homme dont on vante l'écriture puissante est silencieux, 
                discret. Arrivé à Nice sans patrimoine ni racines, il n'avait 
                pas de souvenirs à défendre. Raoul Mille écrit " Cela fait vingt 
                ans exactement, je débarquais par le train de nuit avec les bagages 
                de la famille, tout notre bien, ma mère serrait bien fort son 
                sac à main, dedans il y avait les économies d'une vie. Tous les 
                trois, ma mère, mon père et moi, nous étions enfin arrivés dans 
                ce pays de légende qu'il me semblait déjà connaître tant j'en 
                avais entendu parler. Nous étions là, avec nos valises, sans logement, 
                sans travail, sans idée sur ce que nous allions bien pouvoir fabriquer 
                avec pour seule certitude celle de mon père en son éternelle bonne 
                étoile.  Nice 
                est devenu mon pays par hasard, j'aurais pu vivre aussi bien ailleurs, 
                père nordique, mère monégasque, né à Paris, élevé dans le Pas-de-Calais, 
                je suis sans racines, sans terroir. Et, le plus souvent, je m'en 
                félicite. Etre de nulle part, c'est être de partout. […]  Nice 
                n'a rien d'exceptionnel. Rien, sinon que c'est la ville où j'ai 
                fait connaissance avec l'amour, la souffrance et aussi la mort. 
                Rien, sinon que mon père se trouve dans la terre d'ici, que le 
                dernier ciel qu'il ait aperçu était le ciel d'ici. Rien sinon 
                que mes années d'apprentissage sont marquées par le sceau niçois 
                et mes amis passés et présents l'ont été également. Aucune chaîne 
                de sang, aucun lien de chair, seulement un faisceau d'affinités 
                intenses et particulièrement obsédantes. […].  Nice 
                je l'ai aspirée, assimilée, rejetée, vomie, incorporée, faite 
                mienne mille et mille fois en bon exilé, incertain des vérités 
                évidentes pour les autres, les natifs. "  Dans 
                cette ville dont il est devenu l'un des meilleurs témoins, il 
                lui a fallu trimer quelques années avant de vivre de sa plume. 
                Mais Raoul Mille est arrivé au bon moment. Il est de l'aventure 
                des festivals du livre de Nice dès 1968. Il vit intensément sa 
                ville.  En 
                1973, il publie " Les chiens ivres 
                ", un long cri de révolte. De nombreux niçois grincent des dents, 
                mais ils vont s'habituer… car vingt ans après et une production 
                lui ayant valu quelques prix littéraires d'importance, Raoul Mille 
                est à nouveau de l'aventure des salons du livre de Nice, à titre 
                officiel cette fois.  Léa 
                ou l'opéra sauvage, 
                1984 lui a obtenu le prix des Quatre-Jurys.. Les 
                amants du paradis, 1987, le prix Interallié. Père 
                et mère, 1993, le prix Paul-Léautaud. Le 
                paradis des Tempêtes, t. 1, 199, le prix Baie-des-Anges. 
                 Quant 
                à sa trilogie romanesque, si l'auteur la situe dans la Nice du 
                XIXe siècle, on y retrouve toujours la violence dans les situations, 
                les caractères et l'expression. Raoul Mille écrit dans Nice-Matin 
                une rubrique doménicale " Ma Riviera " consacrées aux personnages 
                importants qui l'ont illustrée.  Bibliographie 
                : Biographie 
                extraite du Mémorial du Pays niçois,Extraits du livre Nice, la vision intime d'un écrivain par Raoul 
                Mille
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